Beaucoup de bruit pour moins que rien

Et voi­ci le troi­sième et der­nier volet du trip­tyque que l’a­gi­ta­tion sur le « 49–3 » a ins­pi­ré à Marc Desgorces-Roumilhac.

Beaucoup de bruit pour moins que rien

Ainsi la France a‑t-elle été tenue en haleine par les médias pen­dant des mois. Par des jour­na­listes, inca­pables d’analyse per­son­nelle et dépas­sés par la tech­ni­ci­té du sujet, se reco­piant les uns les autres. En pro­pa­geant les élé­ments de lan­gage soit du gou­ver­ne­ment, soit des agences de ceci ou conseils supé­rieurs de cela, soit encore des syn­di­cats de sala­riés ou des éta­blis­se­ments finan­ciers. En invi­tant force « experts », par­mi les­quelles bien sûr beau­coup de femmes, dou­ble­ment concer­nées d’abord au nom de Sainte-Parité et ensuite parce que les femmes sont néces­sai­re­ment vic­ti­mi­sées dans tout, donc par prin­cipe aus­si dans ce débat sur les retraites.

La ten­sion et l’attention ont été ali­men­tées par les décla­ra­tions des par­tis poli­tiques, qui avaient retrou­vé dans cette oppor­tu­ni­té l’occasion d’exister aux yeux de leurs élec­teurs. Ils ont trans­fé­ré leur cirque média­tique pué­ril dans l’hémicycle de l’Assemblée natio­nale, deve­nue cour de récréa­tion à camé­ras ouvertes. Certains éprou­vaient des dif­fi­cul­tés dia­lec­tiques pour essayer de jus­ti­fier, au risque de périlleuses contor­sions, pour­quoi ils hési­taient, à approu­ver ou à condam­ner, en tota­li­té ou par­tiel­le­ment sur telle ou telle mesure, un texte cor­res­pon­dant pour­tant en grande par­tie au pro­gramme élec­to­ral sur lequel ils ont été élus.Assemblée nationale retraites confusion

Le gou­ver­ne­ment a réus­si à dra­ma­ti­ser le sujet, comme s’il y avait un enjeu majeur, social et finan­cier, pour les Français et pour la nation, dans ce qu’il a qua­li­fié de pro­jet de « réforme ». Peut-être pour occul­ter ou diluer les sujets immi­gra­tion ou iden­ti­té qui reviennent natu­rel­le­ment s’inviter dans les pré­oc­cu­pa­tions du peuple, mais pas de leurs gou­ver­nants ni de leurs médias. Le Président de la répu­blique, plus que jamais oublieux de la digni­té de sa charge et sur­tout des rôles assi­gnés par la Constitution de la Ve répu­blique, est des­cen­du dans l’arène. Le point d’orgue de ce théâtre d’illusions a consis­té à user de l’article 49 ali­néa 3 pour faire pas­ser le texte. Avec inévi­ta­ble­ment mou­ve­ments sociaux vio­lents en aval, et par voie de consé­quence tous les dan­gers poli­tiques, voire ins­ti­tu­tion­nels possibles.

Tout ceci pour une réfor­mette qui, comme les deux pré­cé­dentes, ne régle­ra rien. La der­nière réforme Fillon avait tout juste fait le tiers du che­min néces­saire. Surtout la pseu­do-réforme 2023 n’entre pas plus que les autres dans le tri­angle où se trouvent les vraies causes du dés­équi­libre struc­tu­rel, social plus encore qu’économique, des retraites en France :
• la prio­ri­té sacra­li­sée du régime par répar­ti­tion pour le sec­teur concur­ren­tiel pri­vé (les actifs pro­duc­teurs de richesses),
• les régimes de la fonc­tion publique aux avan­tages outran­ciers finan­cés par l’im­pôt et par la dette publique (et com­plé­tés par… la capi­ta­li­sa­tion !),
• les régimes spé­ciaux encore plus scan­da­leux (et emblé­ma­tiques de pri­vi­lèges obso­lètes et d’inégalités inac­cep­tables de nos jours).
Tant que ni l’Exécutif ni encore moins le Législatif ne tran­che­ront le nœud gor­dien per­met­tant de se libé­rer ce triple joug, aucun espoir d’équilibre du sys­tème des retraites ne sera envi­sa­geable, aucune accep­ta­tion glo­bale popu­laire d’efforts sup­plé­men­taires ne sera sup­por­table, aucun dis­cours de soli­da­ri­té ne sera justifiable.

Cette « réforme » Macron mal bor­née ne mérite « ni cet excès d’honneur ni cette indi­gni­té », si l’on met en regard les flots de com­men­taires des médias, des par­tis, des syn­di­cats, les mani­fes­ta­tions, les vio­lences, la casse.

Tout simplement parce qu’elle est nulle. Dans tous les sens du terme.

Nulle poli­ti­que­ment, c’est l’évidence. Mais nulle aus­si arith­mé­ti­que­ment. En effet elle est nulle sur un plan comp­table, ce qui est nul pour un pré­sident ancien Inspecteur des finances… Les 17 mil­liards d’euros annon­cés comme gain à terme en année pleine ont déjà été dila­pi­dés en conces­sions et recu­lades déma­go­giques, en clien­té­lisme et cui­sine poli­tique, pen­dant la dis­cus­sion du texte.

La ques­tion de l’âge, point focal obses­sion­nel appa­rent des dif­fé­rends idéo­lo­giques, empoi­gnades ver­bales et vio­lences phy­siques, repré­sente l’archétype du débat biai­sé et détour­né des vrais pro­blèmes à résoudre. S’il s’agissait de don­ner encore un sur­sis au sys­tème par répar­ti­tion, ce ne serait pas seule­ment une affaire de 62, 64 ou même 65 ans. La démo­gra­phie de la France com­man­de­rait direc­te­ment 67 ou plu­tôt 68 ans. On voit bien qu’à l’évidence ce n’est pas le para­mètre unique sur lequel il faut agir pour assu­rer un équi­libre pérenne, socia­le­ment accepté.

Le crime intellectuel et moral initial été commis, au nom du socialisme qui mine encore la France, en 1981, par François Mitterrand.

Tous les pro­fes­sion­nels de l’économie et du social res­pon­sables et pré­voyants savaient que, non seule­ment il ne fal­lait pas bais­ser par déma­go­gie cou­pable l’âge de 65 à 60 ans, mais encore qu’il était pré­ci­sé­ment temps à l’époque de le mon­ter pro­gres­si­ve­ment. La simple lec­ture des pyra­mides des âges ne lais­sait aucun doute sur cette néces­si­té.
Mais tous les gou­ver­nants suc­ces­sifs depuis lors, sans jamais consul­ter les Français sur ce sujet majeur, ont choi­si de trai­ter le défi­cit démo­gra­phique par l’immigration plu­tôt que par une poli­tique fami­liale encou­ra­geant la nata­li­té. Comme si plu­sieurs rota­tions de l’Ocean Viking allaient nous appor­ter les gens venant en France pour tra­vailler avec des com­pé­tences qua­li­fiées, et ain­si com­pen­ser la dégra­da­tion du rap­port actifs coti­sants sur retrai­tés pensionnés…

Le comble de l’hypocrisie de la gauche et des syn­di­cats de sala­riés, jamais sou­li­gnée pen­dant des décen­nies par les médias, c’est que tous ces gens savaient très bien, mieux que qui­conque, que le sys­tème basé uni­que­ment sur la répar­ti­tion allait droit dans le mur. La preuve, c’est qu’ils ont inven­té un sys­tème de retraite com­plé­men­taire, uni­que­ment réser­vé pen­dant des dizaines d’années à la fonc­tion publique et caté­go­ries sociales assi­mi­lées, géré par eux et pour eux, et… entiè­re­ment basé sur la capi­ta­li­sa­tion ! Ces faux-culs sans ver­gogne connais­saient de l’intérieur tous les vices de la pure répar­ti­tion. À com­men­cer par le fait que ce sys­tème a inau­gu­ré sa ges­tion, au len­de­main de la seconde guerre mon­diale, en payant des pen­sions à des retrai­tés qui n’avaient jamais coti­sé (et pour cause, quand ils étaient actifs on n’avait pas encore inven­té cette orga­ni­sa­tion que le monde entier nous laisse sans envie, le monstre Sécurité Sociale et ses trous sans fonds).

De toutes façons, en jouant sur l’allongement du para­mètre durée de coti­sa­tion, méca­ni­que­ment on aug­mente le cri­tère d’âge, de fait. En termes de sou­plesse, on peut aus­si offrir un choix d’individualisation à chaque Français : plus ou moins de pen­sion de retraite, plus ou moins tôt, en fonc­tion de chaque par­cours pro­fes­sion­nel et de chaque pré­vi­sion de besoins per­son­nels une fois à la retraite.

Autre mythe don­nant bonne conscience aux syn­di­ca­listes, aux jour­na­listes et au reste de la popu­la­tion de gauche : la péni­bi­li­té, idéale pour atteindre par l’émotion le télé­spec­ta­teur qui se reproche aus­si­tôt le confort égoïste de son emploi, actuel ou pas­sé, aus­si dif­fi­cile qu’il soit ou qu’il fût, mais ne ren­trant pas dans les exemples de péni­bi­li­té extrême bran­dis comme des hontes pour notre socié­té à notre époque. Les jour­na­listes en fai­sant des tonnes dans le registre auto-fla­gel­la­tion fac­tice et contri­tion sur­jouée. Dans le genre, au milieu d’un débat, en apos­tro­phant un par­ti­ci­pant réti­cent à la doxa : « Tout le monde n’a pas un métier pas­sion­nant et varié comme le nôtre, nous qui sommes des pri­vi­lé­giés, etc. », avec une suite conve­nue de fausse humi­li­té com­pa­tis­sante révé­lant en réa­li­té une suf­fi­sance de petite caste. Comme s’il n’y avait aucune péni­bi­li­té dans les pro­fes­sions « intel­lec­tuelles », comme si la charge men­tale à cer­tains niveaux d’exposition et de res­pon­sa­bi­li­tés ne pou­vait pas être prise en compte face à la charge phy­sique et morale de cer­taines tâches d’exécution répé­ti­tives. Opposer cols bleus et cols blancs n’a aucun sens, encore moins quand on parle de retraite.

Âge et moda­li­tés de départ, durée et inten­si­té d’activité, taux de coti­sa­tion, mon­tant des pres­ta­tions, indi­vi­dua­li­sa­tion, mixi­té répar­ti­tion-capi­ta­li­sa­tion, péni­bi­li­tés pon­dé­rées, poli­tique démo­gra­phique, choix indus­triels et pré­fé­rence natio­nale, bien d’autres fac­teurs encore, consti­tuant le cœur des enjeux sur la retraite, ont été occul­tés lors de l’adoption de cette réforme. Qui au fond n’en est pas vrai­ment une. Alors les éclats média­tiques, les pitre­ries par­le­men­taires, les mani­fes­ta­tions à répé­ti­tion, les racailles dans la rue, la dénon­cia­tion d’un pré­ten­du déni de démo­cra­tie, toute cette agi­ta­tion c’est beau­coup de bruit pour rien. Et même moins que rien, compte tenu des résul­tats concrets à en attendre.

Marc Desgorces-Roumilhac, 24 mars 2023


[NDLR] Source de notre illus­tra­tion à la une

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Marc Desgorces-Roumilhac

2 Commentaires 

  1. Pratiquement tous des cocus qui ont voté pour Macron : bien fait pour leurs faces de crabes.
    Ils ont eu peur de voter Marine Le Pen. Ils ont écou­té Mélenchon ou Méchant Con.
    Moi j’ai voté pour Marine et pour­tant je sais qu’elle ne vaut rien, même pas un pet de lapin comme Bardela ou Zemmour.
    Français, vous allez man­ger de la vache enra­gée et je vais bien rigo­ler.
    Quand je pense que ces traites de Le Pen, Bardela et le sio­niste de Zemmour ont cri­ti­qué la grande et sainte Russie, et dit qu’ils veulent res­ter dans l’OTAN et dans l’EU. Les Français ont de la merde plein les yeux.
    Alors cer­tains me diront : ne vote plus ! Non je vote pour le RN, mais c’est sur­tout pour tous les Français qui sont patriotes et qui votent comme moi. Mais moi je sais.

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    • Entièrement d’ac­cord avec vous mais je vote EZ

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