
Conseils aux droitards se rêvant en révolutionnaires
Comme promis Marc Desgorces-Roumilhac nous propose le deuxième volet de son triptyque que lui a inspiré l’agitation sur le « 49–3 » :
Conseils aux droitards se rêvant en révolutionnaires
L’agitation « populaire » consécutive à l’adoption de la réforme des retraites au forceps de l’article 49.3 de la constitution (voir mon article « 49–3 » : faits et vérités d’hier, premier volet du triptyque) connaît des épisodes traditionnels comme les manifestations – plus ou moins bien encadrées – et sujettes aux habituelles chamailleries de comptage. Elle donne lieu également à des violences – plus ou moins spontanées – laissant planer un doute quant à la véritable intention de les juguler de la part des autorités publiques.
Comme l’a fort bien pointé Patrice Lemaître dans son analyse du 23 mars 2023 Il a parlé dans le poste !, l’explosion de cette tension sociale a été révélée, mais non véritablement causée, par l’affaire des retraites. Une insatisfaction générale latente dans le corps social français préexistait, régulièrement attisée par les maladresses et les provocations du président de la république et de ses gouvernements successifs.
Ce climat a réveillé chez certains, souvent classés à droite de la droite même si beaucoup d’entre eux récusent cette typologie, ce qu’ils pensent être leur nature « révolutionnaire ». Ce ne sont pas nécessairement les plus radicaux, au demeurant ils ne sont généralement pas – ou plutôt ils ne sont plus – militants au sens traditionnel du terme. Et encore moins encartés dans un parti politique. Ils se réclament idéologiquement autant de la fibre révolutionnaire que de la tradition nationale. Honnêtes avec eux-mêmes, ils n’ont souvent abandonné le combat politicien que pour le poursuivre, dans une logique gramscienne, sur tous les terrains possibles au sein de la société, de la culture aux sports, de la sphère médiatique au monde associatif, et sous d’autres formes encore comme la religion par exemple.
Mais le vieux fond activiste demeure, comme en dormition
Le combat métapolitique a ceci de consubstantiel qu’il rend souvent impatient. La convergence des luttes, se disent-ils, ce n’est pas réservé qu’aux trotskystes. Le Système leur fait tellement horreur que, pour hâter son effondrement, on peut s’allier un temps avec le diable, à l’occasion. Et l’occasion, avec les mouvements sociaux provoqués par les retraites, le 49–3 et la cécité arrogante du président, elle est peut-être là, maintenant.
Tout doux, camarades ! L’addition, voire la multiplication, des oppositions, des contestations, des révoltes, quand elles sont étrangères les unes aux autres, surtout quand elles sont diamétralement antagonistes dans leurs causes comme dans leurs objectifs, ça ne fait pas un projet alternatif. En revanche, surtout si le pouvoir continue à manipuler les casseurs, pour faire peur et essayer d’apparaître comme le parti de l’ordre et du juste milieu, mais que ceux-ci lui échappent, ça peut conduire à une révolution.
Chic, vous direz-vous
Du calme, amis, si elle survenait, cette révolution ne serait pas la vôtre. Elle ne serait pas celle dont rêvent certains romantiques parmi vous, qui se font des frayeurs fantasmagoriques en s’imaginant être du côté du peuple, lequel vous en serait conscient et reconnaissant. Non, elle serait comme toutes celles qui les ont précédées : après la période de violence euphorique du bref soulèvement, elle commencerait par éliminer ses vrais ennemis d’idéologie, d’ethnie ou de classe, les plus dangereux sur le plan intellectuel, c’est-à-dire vous. Surtout ceux qui auraient été des supplétifs zélés dans le registre alliance objective avec les anars et les bolchos, trotskars, maos ou stals classiques. Plus vous aurez été leurs collabos, plus vous serez repérés et visés. Aussitôt après seraient massacrés les révolutionnaires anarchistes et d’extrême-gauche qui auraient été les premiers et les plus ardents dans l’insurrection. Tant il est vrai que l’adage selon lequel la révolution mange ses enfants est souvent vérifié. Elle les dévore en premier, ou presque.
Une fois ce faux équilibre de la terreur accompli, comme toujours, un parti de l’ordre, s’autoproclamant garant de la paix civile et fondateur d’un nouveau régime encore plus républicain, démocratique, populaire, laïc, apostolique, immigrationniste, anti-raciste, mondialiste, socialiste et obligatoire, etc. prendrait la main. Ce serait inéluctable dans l’état mental collectif de la société française actuelle, conditionnée par cinquante années de gouvernements politiquement correct, par l’éducation prétendument nationale, par l’univers médiatique uniformément rouge-rose-vert, sans compter une immigration massive inassimilable qui a altéré jusqu’à la psychologie collective du peuple. N’ayez aucune illusion, l’orientation idéologique d’un nouveau régime balaierait un spectre programmatique allant des idées de la NUPES à l’aile gauche de Renaissance, en accrochant comme prises de guerre les suggestions les plus débiles des plus crétins parmi les MODEMS et LR. Et encore, vu leur programme, on ne serait pas à l’abri d’y retrouver des petites scories du RN…
Soyez réalistes : ce ne sont pas les nationaux ni les identitaires qui ont noyauté les Gilets Jaunes, alors que le terrain sociologique de ce mouvement, ainsi que les motivations premières de leur soulèvement, leur étaient a priori plus que favorables. Ce serait pire demain, en cas de chaos généralisé. En politique, la seule vérité, c’est la démographie. En matière de révolution, c’est l’histoire.
En résumé, même si vous vous sentez des fourmis dans les stylos, les claviers, les caméras et les micros, voire dans votre panoplie soigneusement rangée d’arguments dialectiques plus frappants, réfléchissez avant d’agir.
Marc Desgorces-Roumilhac, 25 mars 2023
Demain, le dernier volet de notre triptyque : Beaucoup de bruit pour moins que rien
Evidemment, pas agréable à lire… mais tellement vrai.
Sans compter qu’en face, il y a des professionnels de la chose.
Revient à l’esprit, encore et toujours, cette phrase de Guy Mollet, « la droite la plus bête du monde ».
Au mieux, qui croit qu’elle va gagner parce qu’elle a raison, en gros…
Comme si l’Histoire n’avait pas montré que ça ne suffit pas…