Deux crimes de guerre parfaitement identiques, mais pourtant…

par | 26 mars 2023 | 3 Commentaires 

Le suc­cès récent du film Vaincre et mou­rir le mois der­nier au ciné­ma, a peut être fait prendre conscience à nos com­pa­triotes de la réa­li­té des guerres de Vendée. Cette période de la Révolution fran­çaise, que l’on classe volon­tiers par­mi les épi­sodes de « La Terreur » com­men­cée en 1793, est mal­heu­reu­se­ment incon­nue du grand public, car notre République ne s’en vante pas. Le petit com­pa­ra­tif ci-des­sous montre à quel point on peut mettre en évi­dence un acte tout en occul­tant par­fai­te­ment un autre qui s’est dérou­lé 121 ans aupa­ra­vant.Vaincre et mou­rir ouvri­ra peut-être, en tous cas je l’es­père, l’ap­pé­tit de curio­si­té des Français sur un épi­sode de notre his­toire loin d’être glo­rieux, mais qui sert encore sou­vent hélas, de réfé­rence historique.

Rappel : depuis 1793 et la mort de Louis XVI, la Vendée s’est sou­le­vée contre les troupes révo­lu­tion­naires…
En 1794, une contre-offen­sive ven­déenne voit l’ar­mée des Blancs atta­quer la ville de Cholet. La ville sera prise au bout de quelques heures. Chez les Bleus, le Général Moulin (dont on dit qu’il por­tait des culottes en peau humaine) se bat farou­che­ment, est bles­sé deux fois mais retourne au com­bat. Finalement il déci­de­ra de fuir. Mais les Vendéens bloquent toutes les rues. Il choi­sit de se faire sau­ter la cer­velle… Sa dis­pa­ri­tion sera le pre­mier signe d’une réac­tion ven­déenne. Les Bleus sont effa­rés, en par­ti­cu­lier le géné­ral Cordellier.

Bataille de Cholet - Victoire vendéenne
2e Panzer Division - Das Reich

Rappel : au prin­temps 1944, toute la France est occu­pée par l’ar­mée alle­mande, un débar­que­ment allié est atten­du…
En avril 1944, après avoir subi de lourdes pertes sur le front de l’Est, notam­ment lors de la bataille de Kharkov, la 2e divi­sion blin­dée SS « Das Reich », sous le com­man­de­ment du Gruppenführer Heinz Lammerding, est mise au repos dans la région de Montauban, pour être « recons­truite ». Début mai, elle com­porte 18 468 hommes, dont de nom­breuses recrues, par rap­port à un effec­tif théo­rique de 21 000 hommes ; début juin, plu­sieurs de ses com­po­santes ne sont tou­jours pas opé­ra­tion­nelles et la situa­tion du maté­riel rou­lant, de l’ar­me­ment lourd et des blin­dés est encore défaillante.
Dès lors, leurs dépla­ce­ments seront sys­té­ma­ti­que­ment syno­nymes de massacres.

Le 23 février, à Chavagne en Paillers, les Bleus sur­gissent. Dans un champ, quinze femmes sont fusillées, ailleurs on sabre les jeunes filles, on tor­ture un homme. Trois femmes dont deux de 72 et 73 ans ain­si que quatre enfants de 9, 8, 6 et 3 ans sont brû­lés vifs dans une mai­son. En tout, près de 80 vic­times.
Les Bleus conti­nuent leur périple. Le 24 février, le géné­ral Huché « passe » par La Verrie, puis La Gaubretière. Partout, tor­tures, tue­ries. Bilan : plus de 700 vic­times. Huché ajoute qu’ils étaient en trop petit nombre pour en faire un grand carnage.…

Bataille de Cholet - Victoire vendéenne
Tulle - Soldats SS - Das Reich

Au len­de­main du débar­que­ment, le 7 juin 1944, la « Das Reich » reçoit deux ordres contra­dic­toires du com­man­de­ment suprême à l’Ouest : le pre­mier lui donne ins­truc­tion de rejoindre la Normandie, le second d’in­ter­ve­nir contre la Résistance dans la zone de Tulle-Limoges. Cette ambi­guï­té est levée par deux ordres reçus le 8 et 9 juin, qui pré­cisent que l’es­sen­tiel de la divi­sion doit être reti­ré des enga­ge­ments en cours avant le 11 juin à 12 h pour rejoindre le front de Normandie.

Le 28 février 1794 res­te­ra un jour tris­te­ment célèbre dans toute la Vendée. Dès le petit matin, la colonne Cordellier avance vers le vil­lage des Lucs-sur-Boulogne. On lui a signa­lé que Charette se trou­vait dans les parages. Les Bleus ne tardent d’ailleurs pas à le trou­ver près de La Vivantière. Les Vendéens bien que très infé­rieurs en nombre (un contre quatre) mais furieux des scènes abo­mi­nables qu’ils ont vues, se pré­ci­pitent à l’at­taque. Les Bleus sont défaits, ils se sauvent. Pas très loin, à moins d’une demi-lieue, ils tombent sur les vil­lages et hameaux du Grand Luc et du Petit Luc.

Général vendéen François de Charette
Tulle - Information allemande avant massacre

Au cours de leur pro­gres­sion vers Tulle, des élé­ments de la divi­sion sont confron­tés au ren­for­ce­ment des actions de la Résistance : de nom­breux par­ti­sans sont tués lors des com­bats ou som­mai­re­ment exé­cu­tés ; des civils sont éga­le­ment assas­si­nés par le bataillon com­man­dé par Diekmann, qui est « le seul à s’en prendre déli­bé­ré­ment aux femmes et sur­tout aux enfants ». La répres­sion menée par la « Das Reich » connaît un pre­mier point culmi­nant avec le mas­sacre de Tulle. Le 9 juin, après avoir réoc­cu­pé la ville briè­ve­ment libé­rée par les FTP, l’a­vant-veille le 7 juin, 99 hommes, sans aucun lien avec la Résistance, sont pen­dus aux bal­cons et aux réver­bères et 149 hommes sont dépor­tés le lendemain.

On n’en­tend plus que des hur­le­ments de ter­reur, des cris de dou­leur, des cré­pi­te­ments d’in­cen­die. Des familles, des hameaux entiers sont métho­di­que­ment exter­mi­nés : 32 per­sonnes à la Gaconnière, 30 à la Guyonnière, 19 à Chef du Pont, 22 à Bourgneuf. À la Bugelière, le père Simonneau est égor­gé avec sa femme et 16 de ses enfants et petits enfants. Les sur­vi­vants se sont réfu­giés dans la cha­pelle du Petit Luc. Le curé, M. Voyneau, âgé de 70 ans, va au-devant des Bleus. Il est immé­dia­te­ment tor­tu­ré puis mas­sa­cré. Autour de l’é­glise, se pressent, le cha­pe­let à la main, tous ceux qui n’ont pas pu y entrer. La foule prie à genoux. Les Bleus sur­gissent, tirent, écrasent, trans­percent des cen­taines de corps.

Les Lucs - Massacre
Tulle - Pendus

Pendant ce temps, à envi­ron 100 km plus au nord, un déta­che­ment diri­gé par le Sturbannführer Kämpfe part de Limoges pour venir aider à reprendre Guéret, libé­rée par le maquis. Au retour, des maqui­sards diri­gés par Georges Guingouin cap­turent Kämpfe puis Karl Gerlach. Prisonnier des résis­tants, Gerlach arrive à se sau­ver et à aler­ter le com­man­de­ment alle­mand à Limoges. Mais Kämpfe sera exé­cu­té sur ordre de Guingouin.

En se reti­rant, les Bleus canonnent l’é­glise qui s’é­croule sur les mou­rants, sur les bles­sés. Ils ont tué ce jour-là 564 per­sonnes dont 110 enfants de moins de 7 ans.Tulle - Vitrail commémorant massacre Les Lucs

Oradour-sur-Glane - Entrée village

Le 10 juin, une colonne com­por­tant huit camions, deux blin­dés à che­nilles et un moto­cy­cliste de liai­son, prend la direc­tion d’Oradour-sur-Glane.
Convoqué par le com­man­dant Dieckmann, le maire du vil­lage demande aux habi­tants de se ras­sem­bler sur le champ de foire. On demande alors aux 180 hommes et jeunes gens de plus de qua­torze ans pré­sents de dire où sont cachées les armes, dont les Allemands ont enten­du par­ler. Les hommes sont alors conduits dans six granges repé­rées par les SS, par groupes d’une tren­taine. Ils sont fusillés par les fusils-mitrailleurs mis en bat­te­rie devant les portes. Les corps sont ensuite recou­verts de paille, de foin et de fagots aux­quels les SS mettent le feu.

Les femmes et les enfants sont réunis dans l’é­glise, où les SS ont pla­cé une charge explo­sive qui se révé­la insuf­fi­sante. Les sol­dats entrèrent alors dans l’é­di­fice reli­gieux où ils ont tiré des rafales de mitraillettes, tan­dis que d’autres SS ont lan­cé des gre­nades à main à l’in­té­rieur, sans aucun doute pour ache­ver la popu­la­tion.
Les 635 vic­times dénom­brées se répar­tissent comme suit : 25 de moins de cinq ans, 145 entre cinq et qua­torze ans, 193 jeunes gens et hommes, dont le curé sep­tua­gé­naire du vil­lage et ses deux vicaires lor­rains, et 240 jeunes filles ou femmes de plus de 14 ans.

Oradour-sur-Glane - Église

Église d’Oradour-sur-Glane

« Il n’y a plus de Vendée », écri­vait le géné­ral François-Joseph Westermann à la Convention en novembre 1993, après sa vic­toire de Savenay. « Elle est morte sous notre sabre avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’en­ter­rer dans les marais et les bois de Savenay. J’ai écra­sé les enfants sous les pieds de nos che­vaux, mas­sa­cré les femmes qui, au moins celles-là, n’en­fan­te­ront plus de bri­gands. Je n’ai pas un pri­son­nier à me repro­cher. J’ai tout exter­mi­né… Nous ne fai­sons pas de pri­son­niers, car il fau­drait leur don­ner le pain de la liber­té, et la pitié n’est pas révo­lu­tion­naire. »

François-Joseph-Westermann

François-Joseph Westermann
dit Le bou­cher de Vendée

À la lec­ture de ces deux récits en com­pé­ti­tion dans l’hor­reur, on est en droit de se poser quelques ques­tions :
Quel col­lé­gien a enten­du par­ler des Lucs en Boulogne ?
Quel évé­ne­ment est le plus sou­vent cité ?
Lequel récolte aujourd’­hui des célé­bra­tions mémo­rielles ?
Lequel est tou­jours cité comme exemple de la bar­ba­rie envers des civils ?

Il serait donc temps de rendre à l’Histoire sa vérité

On demande sou­vent à la France de faire acte de repen­tance, pour­quoi pas envers la Vendée, qui était appe­lée à dis­pa­raître, on l’a­vait même renom­mée « Vengé ». Pourquoi ne com­pare t‑on pas les offi­ciers qui se sont illus­trés là-bas aux offi­ciers alle­mands qui se sont illus­trés à Oradour (Hoche ver­sus Lammerding) ?

Tout simplement parce que l’Histoire est écrite par les vainqueurs

Les Révolutionnaires de 1793 avaient tout inté­rêt à cacher ce fait, de même que les vain­queurs de 1945 avaient inté­rêt eux, à mon­ter en épingle l’his­toire d’Oradour que l’on cite tou­jours en exemple, 80 ans après.
Ces deux évé­ne­ments sem­blables en tous points montrent com­ment on peut ensei­gner l’Histoire, et par là, y incor­po­rer une cer­taine phi­lo­so­phie, un cer­tain endoctrinement.

Patrice Lemaître

Le mémo­rial des Lucs en Boulogne
Oradour-sur-Glane - Mémorial
Le mémo­rial d’Oradour-sur-Glane

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Patrice Lemaître

3 Commentaires 

  1. En effet, avant de vous lan­cer dans des paral­lèles faciles, à la mode, creu­sez davan­tage ce qui s’est réel­le­ment pas­sé à Oradour !
    Si d’un côté (pour la Vendée) vous n’a­va­lez pas la thèse offi­cielle de la République, pour­quoi de l’autre côté (Oradour) êtes-vous si appli­qué à la régur­gi­ter sans recul cri­tique ?
    L’histoire (au sens scien­ti­fique) n’est pas affaire de sen­ti­ment, d’é­mo­tions du moment, mais de froide ana­lyse.
    Un point d’ac­cord avec vous néan­moins : en effet, les vain­queurs écrivent l’his­toire en leur faveur, et cachent sou­vent ce qui pour­rait leur faire ombrage, quitte à mettre leurs crimes sur le dos des vain­cus. Cela dure depuis la Guerre des Gaules. Et cela passe comme une lettre à la poste.

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  2. Cf. l’a­na­lyse sur Oradour par l’in­gé­nieur Vincent Reynouard… actuel­le­ment en pri­son.
    Historiens com­pa­ra­tistes, encore un effort…

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