La démocratie, mais quelle démocratie ?
Ainsi donc les deux motions de censure déposées à l’Assemblée Nationale contre le gouvernement d’Édouard Philippe ont été rejetées…
Est-ce le dernier acte de cette comédie qui se déroule au palais Bourbon avec cette réforme des retraites ? Car, à y bien regarder, toute cette pantomime est quand même à hurler (ou à s’étrangler) de rire ! Et on se demande bien comment avec tout ça, les Français ne descendent pas pour manifester devant l’Assemblée aux cris de « À bas les acteurs », copiant ainsi leurs aînés du 6 février 1934.
Explications :
• Premier acte : la loi doit être discutée par les députés, alors qu’elle est encore mal ficelée, que des points importants ne sont pas définis. Les Français sont dans la rue depuis des semaines, mais rien n’y fait, la loi doit être votée coûte que coûte.
• Deuxième acte : les députés de gauche jouent l’obstruction. Ils déposent près de 22 000 amendements. Parmi ceux-ci, la plupart sont de véritables abus et ne sont là que pour faire perdre du temps, puisqu’il faut les étudier mais ils ne changeront rien à l’affaire.
• Troisième acte : on commence à insinuer que le gouvernement pourrait, si on va trop loin, si le temps venait à manquer, peut être, avoir recours au fameux article 49 alinéa 3 de la constitution de 1958, qui permet le vote global d’une loi sans examen par les députés. Aussitôt c’est l’indignation chez les députés.
• Quatrième acte : ces trous de mémoire bien assumés, Édouard Philippe déclenche effectivement l’article 49.3 pour faire passer le texte sur les retraites aux forceps, sans discussion de l’Assemblée.
• Cinquième acte : conséquences logiques, les « oppositions » déposent chacune une motion de censure, sachant très bien que mathématiquement elles n’ont aucune chance d’aboutir, mais il faut montrer que l’on joue le jeu démocratique.
Le résultat est connu depuis hier soir. Le texte sur les retraites est passé comme une lettre à la poste. Les sénateurs feront mumuse avec et il reviendra à l’Assemblée. Fin du voyage.
En relisant cette fable, le petit démocrate français moyen peut légitimement se poser quelques questions
→ À quoi cela sert-il de faire discuter et voter un texte quand le mode de scrutin électoral vous donne une majorité indiscutable, et qu’il ne peut pas y avoir de surprise, puisque même avec une poignée de présents le vote est garanti ?
→ Pourquoi n’existe t‑il pas une commission (il en existe pour n’importe quoi !), chargée d’éliminer les amendements stupides et convenus ne servant qu’à bloquer l’institution ?
→ Pourquoi aucun groupe, parti, bloc… n’a jamais demandé la suppression du 49.3 de la Constitution, alors que tous le critiquent quand ils sont dans l’opposition mais l’utilisent quand ils sont au pouvoir ?
→ Pourquoi une motion de censure qui n’a jamais aucune chance d’être votée (voir plus haut), continue t‑elle à être discutée ?
La réponse, globale, à ces questions est simple : les députés, ministres, tiennent à leur démocratie qui leur permet de bien vivre quelques années, et aux journalistes complices, de rendre compte du bon fonctionnement de la « démocratie ». Toutes ces questions sont des parfaits exemples de l’hypocrisie de ce système.
Et pendant ce temps, les Français…
Churchill aurait dit paraît-il « La démocratie est un bien mauvais système, mais je n’en connais pas d’autre… ». Allez… cherchez bien…
Patrice LEMAÎTRE