La vraie cause des accidents de la route

À la veille du ter­rible drame qui s’est dérou­lé sur l’au­to­route A7 dans la Drôme où 5 enfants ont per­du la vie, le reste de la famille de 9 per­sonnes étant entre la vie et la mort, la délé­guée res­pon­sable de la sécu­ri­té rou­tière, Marie Gautier-Melleray, était venue se féli­ci­ter de la limi­ta­tion à 80 km/​h sur les routes qui avait per­mis — selon elle — de sau­ver exac­te­ment 349 vies.

349, c’est un nombre exact. Ce n’est pas 340, non, ni 350, mais 349 ! Il fau­dra que le gou­ver­ne­ment explique par quel algo­rithme il arrive à un résul­tat aus­si pré­cis, pour un peu, il nous don­ne­rait les noms et adresses des bien­heu­reux survivants.

Dans la fou­lée, la Délégation a vou­lu véri­fier si l’a­bais­se­ment de 10 km/​h avait eu un impact sur la durée des tra­jets, notam­ment entre le domi­cile et le tra­vail. Résultat : la réponse est non. L’allongement obser­vé, via les remon­tées des appli­ca­tions de géo­lo­ca­li­sa­tion, est en moyenne de 1 seconde par kilo­mètre.
Je ne suis pas ingé­nieur en pré­ven­tion rou­tière, mais un bon élève de 6e (dans le temps…) pou­vait faci­le­ment véri­fier que si à 90 km/​h on par­court un km en 40 s, à 80 km/​h on le par­court en 45 s, soit 5 s de plus, et non pas 1 s !!!
Une durée imper­cep­tible par les conduc­teurs d’a­près la délé­guée : « Cette réa­li­té est donc très éloi­gnée de la per­cep­tion sub­jec­tive qu’en ont les auto­mo­bi­listes, qui déclarent esti­mer à 2 minutes la perte de temps sur un tra­jet de 50 kilo­mètres, alors qu’elle est de 50 secondes »
Le même élève de 6e d’au­tre­fois dirait lui, que sur un tra­jet de 50 km, la perte de temps serait de 250 s c’est à dire un peu plus de 4 min.
Mais notre délé­guée per­siste : « Dans 19 % des cas, un gain de temps a même été obser­vé. »
Et notre col­lé­gien résu­me­rait cela en disant : « Plus tu roules moins vite, moins tu vas plus loin ».

La véri­té gou­ver­ne­men­tale nous dicte que la limi­ta­tion de vitesse, bien res­pec­tée par les Français, a per­mis de sau­ver 349 vies pas une de moins. Fermez le ban.

Oui, mais… la presse, écrite ou sur la toile donne d’autres informations :

Ouest France : Depuis le 17 mars et donc le début de la période de confi­ne­ment, le nombre de grands excès de vitesse (supé­rieur à 50 km/​h) a bon­di de 16,3 % à tra­vers le pays. Des records ont été bat­tus dans cer­taines régions.
Europe1 : Confinement rime avec axes rou­tiers déserts, et cela donne des idées à cer­tains : ces der­niers jours, les gen­darmes ont mul­ti­plié les contrôles et enre­gis­tré des records d’ex­cès de vitesse, que ce soit en voi­ture ou à moto.
Europe1 : « Sur les six der­niers jours, nous avons eu 34 réten­tions de per­mis de conduire sur des grands excès de vitesse qui sont 40, voire 50 km/​h au-delà de la limite auto­ri­sée », atteste au micro d’Europe 1 la colo­nelle Karine Lejeune, cheffe des gen­darmes du dépar­te­ment de l’Essonne, en région pari­sienne.
TF1 : En un mois de confi­ne­ment, le nombre d’ex­cès de vitesse rele­vés équi­vaut ain­si aux quatre pre­miers mois d’une année nor­male.
Huffington Post : du 17 mars au 26 avril inclus (der­nières don­nées dis­po­nibles), plus de 11 200 grands excès de vitesse ont été rele­vés dans l’Hexagone.
Le Figaro : Depuis le début du confi­ne­ment, il ne se passe pas un jour où les records d’excès de vitesse sur nos routes désertes font la une des sites d’information.

Autrement dit, la limi­ta­tion de vitesse de 90 à 80km/​h semble avoir com­plè­te­ment échap­pé à un nombre très impor­tant d’au­to­mo­bi­listes puisque de tous les avis, les grands excès de vitesse (> 50km/​h) n’ont jamais été aus­si nom­breux que pen­dant cette période !

Il serait mal­hon­nête de conclure que plus on fait de grands excès de vitesse, plus on sauve des vies… mais recon­naître que la limi­ta­tion de la vitesse a cer­tai­ne­ment eu moins d’im­pact que la dimi­nu­tion de la cir­cu­la­tion pen­dant trois mois serait cer­tai­ne­ment plus hon­nête. Attendons les chiffres de l’an pro­chain, je suis sûr que les excès de vitesse seront res­pon­sables de l’i­né­vi­table aug­men­ta­tion des vic­times que l’on consta­te­ra avec un retour à une cir­cu­la­tion normale.

J’en étais là de mes réflexions, quand j’ap­prends sur les chaînes de télé­vi­sion (elles passent toutes les même infor­ma­tions) que d’a­près la socié­té d’au­to­route Vinci, la som­no­lence au volant est la pre­mière cause de mor­ta­li­té sur auto­route : sur la période 2015–2019, elle a été le prin­ci­pal fac­teur d’accident mortel.

Madame la Déléguée res­pon­sable de la sécu­ri­té rou­tière va-t-elle publier un com­mu­ni­qué sur les bien­faits de la sieste ?

Patrice LEMAÎTRE

4 Commentaires 

  1. Et la som­no­lence, à quoi est-elle due ? … Difficile de res­ter atten­tif, dans un véhi­cule confor­table et sain, sur une auto­route bien déga­gée où la visi­bi­li­té porte à plu­sieurs kilo­mètres avec une fré­quen­ta­tion faible ! Par ailleurs, l’en­nui nait de l’u­ni­for­mi­té, et la limi­ta­tion de vitesse, admi­nis­tra­ti­ve­ment et uni­for­mé­ment déci­dée quels que soient la qua­li­té du véhi­cule, son état méca­nique, les capa­ci­tés, l’ex­pé­rience, l’é­tat de san­té et l’âge du conduc­teur, les condi­tions de cir­cu­la­tion, enfin les para­mètres que devraient être capables de gérer un conduc­teur titu­laire du per­mis de conduire ! Une fois de plus la sacro-sainte éga­li­té – qui n’existe que dans l’abs­trac­tion arith­mé­tique – fait des ravages ! Et les lois et règle­ments favo­risent l’a­bru­tis­se­ment de la popu­la­tion, son infan­ti­li­sa­tion et … les ren­trées abu­sives d’argent pour l’État (que ce soit avec les limi­ta­tions de vitesse absurdes car irra­tion­nelles, ou avec les règle­ments uni­formes non moins absurdes pour le COVID). La plu­part des mou­tons du trou­peau sont heu­reux d’être diri­gés, ça leur évite d’a­voir à réflé­chir. Que demande le peuple ? inter­ro­geait déjà César en répon­dant « panem et cir­cences » : du pain et des jeux !

    Vrai scep­tique

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  2. Pour être pré­cis, il me semble que le nombre des décès et la com­pa­rai­son avec les sta­tis­tiques anté­rieures devraient être cal­cu­lés sur les par­cours où la vitesse a été rame­née de 90 à 80 km/​h. Et ne pas tenir compte de la dimi­nu­tion du tra­fic rou­tier suite au confi­ne­ment est mal­hon­nête. Attribuer l’aug­men­ta­tion des excès de grande vitesse aux frus­tra­tions engen­drées par le confi­ne­ment est un peu som­maire, sur­tout si l’a­bais­se­ment de la limite à 80 km/​h a faci­li­té la com­mis­sion du délit, comme disent les gendarmes.

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  3. Et bien sûr, pas­sée à la trappe la don­née ESSENTIELLE qui est la vitesse NATURELLE que l’on connaît très bien :
    sur auto­routes, tous modèles de voi­ture confon­dus : 140km/​h ; sur grands axes : 110km/​h ; sur routes secon­daires : 90km/​h.
    Dans les années cin­quante, sur routes de l’é­poque, voi­ture char­gée à bloc, on rou­lait déjà à 80–90km/h sans encombre!!!
    Alors que la petite mère Gautier-Melleray s’in­forme et arrête de nous assé­ner des men­songes éhon­tés sur les résul­tats des pré­ten­dus tests sur le 80 km/​h et ses 349 vies sau­vées en deux ans ! Même que le Premier ministre de l’é­poque affir­mait : ‑400 décès par an!!

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  4. Désinformation et culpa­bi­li­sa­tion sont les deux mamelles de la répres­sion.
    Qui se fai­sait des illu­sions sur ce constat don­nant cau­tion au 80 km/​h ? Les 349 mira­cu­lés, peut être !

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