De l’eau dans le gaz entre l’Europe et la Serbie
La Serbie vient de renouveler pour trois ans son contrat de fourniture de gaz par la Russie(1), a déclaré ce 29 mai le président Aleksandar Vučić(2). À un prix presque trois fois moins élevé que partout en Europe, dix à douze fois moindre en période hivernale, précise ce dirigeant légitimement satisfait d’avoir sécurisé ses approvisionnements domestiques pour un avenir proche, qu’on sait incertain. Un accord a également porté sur l’extension des capacités serbes de stockage de gaz.
Cette prétention, décalée et assumée, à l’indépendance économique et à la souveraineté nationale, auxquelles nos dirigeants européo-centrés ont renoncé, suscite des commentaires biaisés d’une presse française docile qui, pressée par des considérations financières, est perfusée de subventions publiques. Le choix d’un registre politique connoté dans des articles économiques bien peu analytiques, en dit long sur son degré d’alignement aux discours officiels.
En effet, des journalistes condamnent l’absence de « cas de conscience » de la Serbie en période de guerre en Ukraine, dénoncent un « prix d’ami » déplacé pour ce pays qui « apparaît ainsi comme le principal allié de la Russie en Europe ». D’autres observateurs peu éclairés vont jusqu’à asséner que « La Serbie choisit la Russie et rejette l’Occident ».
Quel parti pris méprisant et ignorant de l’état d’esprit serbe, affirmation péremptoire aveuglée par des considérations idéologiques du moment. En réalité, cette presse pratique la communication d’influence. Elle vend son âme avec des publi-reportages déguisés.
Des journaux qu’on présente comme sérieux soulignent que, « pourtant candidate pour intégrer l’Union européenne, [la Serbie] n’entend pas réduire sa dépendance quasi totale au gaz russe. » Ils reprochent à Belgrade d’être ainsi « restée proche du Kremlin depuis l’invasion de l’Ukraine. Si elle a condamné l’agression russe à l’ONU, elle s’est refusée à s’aligner sur les sanctions européennes contre Moscou en dépit de pressions de la part des pays occidentaux. » On a déjà fait état, au lendemain de la condamnation le 2 mars dernier par l’ONU de l’intervention russe, de pressions politiques par chantage économique sur des pays obligés(3). Pendant ce temps, des pays membres de l’UE, dont l’Allemagne, continuent de traiter hypocritement leurs approvisionnements énergétiques avec la Russie.
Or, la Serbie reste dans l’attente impatiente de son intégration dans l’Union européenne, promise il y a vingt ans moyennant sa coopération active dans l’arrestation de criminels de la guerre en ex-Yougoslavie (1992−1995). À ce sujet, la visite présidentielle d’Emmanuel Macron à Belgrade, en juillet 2019, avait révélé des non-dits assourdissants et des malentendus inquiétants(4). Ils se confirment aujourd’hui, pour motif de non solidarité, en faisant peser une pression injuste sur un peuple ami historique de la France, dont on a retardé sans justification l’entrée dans notre Union tout en lui imposant des exigences d’un pays membre. Autrement dit, d’accepter la contrainte d’obéissance politique d’un statut en suspens, sans contrepartie économique.

Source de l’image : L’amitié franco-serbe fêtée à Paris (Paris Vox, 25 juin 2019)
La Serbie est pourtant un solide rempart au cœur géographique, historique et culturel de l’Europe dont la Bosnie Herzégovine et le Kosovo, ventres mous des Balkans sujets à de fortes tensions intra-communautaires(5), sont livrés à des ambitions politiques et financières, culturelles et religieuses exogènes, concurrentes voire hostiles, à l’identité et aux intérêts européens – Turquie, Iran, États islamiques du Golfe persique(6).
Enfin, ce traitement idéologique d’une actualité économique montre combien le sujet des fake news, qui porte sur des faits suspects, s’est étendu à celui du fake thinking, qui porte sur l’interprétation biaisée de faits réels. Les deux ont autant contaminé et décrédibilisé les sphères publiques que privées, les communiqués officiels que les réseaux sociaux, les rapports scientifiques que les comptes-rendus journalistiques. Ils rendent difficile à un public exigeant de discerner le vrai du faux, le réel du discours fabriqué. Des méthodes permettent heureusement de les discerner en multipliant et en diversifiant les sources d’information, en cultivant un esprit critique et indépendant, décollé des écrans, par une gymnastique quotidienne de l’esprit.
Jean-Michel Lavoizard
(1) https://www.latribune.fr/economie/international/la-serbie-prolonge-avec-satisfaction-sa-dependance-au-gaz-russe-919698.html
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Aleksandar_Vu%C4%8Di%C4%87
(3) https://www.bvoltaire.fr/face-a-la-guerre-en-ukraine-des-interets-africains-partages/
(4) https://www.bvoltaire.fr/visite-presidentielle-en-serbie-non-dits-assourdissants-et-malentendus-inquietants/
(5) https://www.bvoltaire.fr/echo-ou-replique-du-conflit-en-ukraine-le-climat-se-tend-a-nouveau-en-bosnie/
(6) https://www.bvoltaire.fr/bombe-a-retardement-djihadiste-en-bosnie-qui-veut-arreter-le-tic-tac/
Article intéressant, mais il y aurait tant à dire et à ajouter sur cette république slave européenne qui aime la France. Aujourd’hui l’Europe, la France, ont sali cette relation avec le bombardement injustifié de Belgrade, avec l’accaparement du Kosovo devenu un territoire terroriste où tous les trafics vers l’Europe sont permis.… J’ai vécu en ex-Yougoslavie et un jour l’Europe pleurera des visas pour se réfugier vers ce pays qu’elle a malmené…
B. Leclercq
Président Fondateur Harmonie International Cannes
Souvenirs ! Souvenirs !
Les Serbes ne nous ont-ils pas répété à l’époque : « Il arrivera le temps ou c’est nous qui auront les casques bleus pour venir vous délivrer de l’emprise musulmane ».
Le temps arrive !