L’autonomie des territoires français peut-elle résoudre les conflits en Europe ?

par | 21 février 2023 | 2 Commentaires 

Une enti­té auto­nome est défi­nie comme une sub­di­vi­sion d’un pays qui pos­sède un degré d’autonomie ter­ri­to­riale ou qui est libre vis-à-vis d’une auto­ri­té externe.

France Monde - TOM

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Typiquement, cela concerne en majo­ri­té des enti­tés géo­gra­phiques dis­tantes ou habi­tées par des minorités.

Il ne s’agit pas d’une uto­pie. Nombre de régions insu­laires d’autres pays d’Europe béné­fi­cient d’un sta­tut d’autonomie : Sardaigne, Sicile, Baléares, Canaries, Madère notam­ment et cela existe aus­si en France.

Prenons le cas de la Polynésie Française.

La Constitution du 27 octobre 1946 en fait un Territoire d’Outre-Mer. Le nou­veau sta­tut juri­dique est pré­ci­sé par un décret du 25 octobre 1946, qui charge l’Assemblée repré­sen­ta­tive ter­ri­to­riale des « inté­rêts propres du Territoire », le gou­ver­neur res­tant res­pon­sable de la pré­pa­ra­tion et de l’exécution des déci­sions.
L’évolution se pour­suit avec l’instauration d’un véri­table sta­tut d’autonomie par la loi du 6 sep­tembre 1984. La loi orga­nique du 12 avril 1996 trans­fère ensuite des com­pé­tences sup­plé­men­taires à la Polynésie fran­çaise, notam­ment en matière éco­no­mique, et intro­duit des amé­na­ge­ments tech­niques en vue d’améliorer le fonc­tion­ne­ment des ins­ti­tu­tions.
Enfin, en 2004, une nou­velle étape a été fran­chie avec la publi­ca­tion de la loi orga­nique du 27 février 2004 ren­for­çant le sta­tut d’autonomie de la Polynésie fran­çaise.
La prin­ci­pale moda­li­té de fonc­tion­ne­ment du sta­tut d’autonomie a consis­té à confier une com­pé­tence de droit com­mun à la Polynésie fran­çaise, l’État conser­vant une com­pé­tence d’attribution.
En appli­ca­tion de ce prin­cipe, la Polynésie fran­çaise est com­pé­tente dans toutes les matières, à l’exception de celles expres­sé­ment attri­buées à l’État. Elle peut, à tra­vers les actes de l’assemblée de la Polynésie fran­çaise et de sa com­mis­sion per­ma­nente, défi­nir ses propres règles dans la plu­part des domaines, y com­pris dans les matières qui en métro­pole relèvent du légis­la­teur, sous réserves du res­pect des prin­cipes géné­raux ins­crits dans les textes for­mant le bloc consti­tu­tion­nel ou ceux déga­gés par la jurisprudence.

Peu de Français métro­po­li­tains sont aver­tis de la situa­tion de la Polynésie mal­gré des actions locales qui n’émeuvent per­sonne. Pas beau­coup de « com » sur ce TOM !

Prenons le cas de la Corse

La Corse est une col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale à sta­tut par­ti­cu­lier, au sens de l’article 72 al.1er de la Constitution.
La Loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) por­tant nou­velle orga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale de la République du 7 août 2015 com­porte plu­sieurs dis­po­si­tions rela­tives à la Corse (article 30 et sui­vants). Désormais elle n’est plus qua­li­fiée de « col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale », mais de « col­lec­ti­vi­té de Corse ». En outre, en vue de la créa­tion de la Collectivité Territorirale de Corse (CTC), la loi de 2015 a auto­ri­sé le gou­ver­ne­ment à prendre, selon la pro­cé­dure des ordon­nances de l’article 38 de la Constitution et pen­dant un délai de 18 mois, des mesures rele­vant de la loi dans neuf domaines dif­fé­rents.
À comp­ter du 1er jan­vier 2018, la Corse est une col­lec­ti­vi­té à sta­tut par­ti­cu­lier au sens de l’article 72 de la consti­tu­tion, en lieu et place de la Collectivité Territoriale de Corse et des dépar­te­ments de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.
Dorénavant la Corse s’administre libre­ment, dans les condi­tions fixées par la Loi et par l’ensemble des autres dis­po­si­tions légis­la­tives non contraires rela­tives aux dépar­te­ments et aux régions.

Quelques règles de fonc­tion­ne­ment :
• Création d’une confé­rence de coor­di­na­tion des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales en Corse réunis­sant des membres du Conseil exé­cu­tif de Corse, le Président de l’Assemblée corse, les Présidents des com­mu­nau­tés d’agglomération, les maires des com­munes de 30 000 habi­tants ou plus, un repré­sen­tant des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales et grou­pe­ments de col­lec­ti­vi­tés des ter­ri­toires de mon­tagne, huit repré­sen­tants élus des pré­si­dents des com­mu­nau­tés de com­munes et huit repré­sen­tants élus des maires de com­munes de moins de 30 000 habi­tants.
• Élargissement des pou­voirs du pré­sident du Conseil exé­cu­tif de Corse.
• etc…
Alors que la Corse a long­temps été un dépar­te­ment comme les autres, la poli­tique de régio­na­li­sa­tion et l’impossibilité de consti­tuer des régions métro­po­li­taines ne com­pre­nant qu’un seul dépar­te­ment ont conduit à la créa­tion de deux dépar­te­ments.
Les reven­di­ca­tions locales vers plus d’autonomie ou en faveur de l’indépendance ont avi­vé le sou­hait de doter la Corse d’un sta­tut spé­ci­fique. D’abord région métro­po­li­taine (Loi du 2 mars 1982), cela lui a per­mis de se doter d’une Assemblée de Corse aux com­pé­tences assez éten­dues. La loi de 1991 fait de la Corse une col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale à sta­tut par­ti­cu­lier. Ce n’est donc plus une véri­table Région.
La loi de 2002 lui a don­né des com­pé­tences nou­velles sans chan­ger le sta­tut qui pro­pose, un peu sur le modèle du sys­tème par­le­men­taire alle­mand, un méca­nisme de res­pon­sa­bi­li­té poli­tique de l’exécutif, l’Assemblée de Corse pou­vant voter une motion de défiance.

Europe - 100 drapeaux

Conclusion :

La plu­part des conflits actuels ne se pro­duisent plus entre États mais sont davan­tage d’ordre intraé­ta­tique et opposent des États et des groupes mino­ri­taires reven­di­quant leurs droits de pré­ser­ver leur iden­ti­té. Ces conflits s’expliquent :
• d’une part par les modi­fi­ca­tions ter­ri­to­riales et la for­ma­tion de nou­veaux États suite aux deux guerres mon­diales et à l’effondrement de l’ancien sys­tème com­mu­niste, à la recherche per­ma­nente de la supré­ma­tie amé­ri­caine par­tout dans le monde et
• d’autre part par la néces­saire adap­ta­tion du concept d’État-Nation qui consi­dé­rait jusque là la sou­ve­rai­ne­té natio­nale et l’homogénéité cultu­relle comme primordiales.

L’autonomie per­met à un groupe mino­ri­taire dans un État de jouir de ses droits tout en offrant à l’État des garan­ties en matière d’unité, de sou­ve­rai­ne­té et d’intégrité ter­ri­to­riale.
La pro­cé­dure est simple et passe par la mise en place d’un cer­tain nombre de condi­tions fon­da­men­tales :
• Établissement d’un cadre juri­dique du sta­tut d’autonomie (trans­fert de pou­voirs ou de répar­ti­tions de com­pé­tences, tout en demeu­rant sou­mis à l’autorité de l’État).
• Répartition claire des pou­voirs et l’instauration d’organes légis­la­tifs et exé­cu­tifs élus démo­cra­ti­que­ment à l’échelle de la région autonome.

Le Comté de Nice, les deux Savoie, la Bretagne, le pays Basque, la Vendée, etc…

Pierre Pignon

Références :
Le sta­tut de l’au­to­no­mie et la répar­ti­tion des com­pé­tences
Quel est le sta­tut de la Corse ?
Expériences posi­tives des régions auto­nomes comme source d’inspiration dans la réso­lu­tion de conflits en Europe
Liste d’en­ti­tés ter­ri­to­riales autonomes

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Pierre Pignon

2 Commentaires 

  1. Mais QUI est der­rière ces auto­no­mistes voire indé­pen­dan­tistes ? Nous sommes bien d’ac­cord que chaque petite patrie doit gar­der sa spé­ci­fi­ci­té, et que par la sub­si­dia­ri­té cha­cun admi­nistre ce qui lui est pos­sible. Reste que beau­coup de ces mou­ve­ments veulent bien quit­ter la « France » mais res­ter dans l’UE ! La répu­blique condamne « la super­sti­tion » et ceux qui parlent le « bas-bre­­ton » disaient les Jacobins. Gare aux mani­pu­la­tion des iden­ti­tés locales qui ne visent qu’a détruire la plus grande patrie, l’UE n’est pas « Notre Europe » ! 😉 comme la « répu­blique » n’est pas la France.

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  2. À quand l’au­to­no­mie du Comté de Savoie ? dont fait par­tie le Comté de Nice !
    https://youtu.be/ThWpMnuy00g?t=5966
    Merci M. Pierre Pignon pour l’article.

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