Le Midi Blanc est de retour

par | 18 juin 2023 | 3 Commentaires 

Pour para­phra­ser Alphonse Daudet dans la langue de Mistral : « Quau noun a vist la Prouvènço au tèms di Rèi, n’a rèn vist. » Et pour avoir un aper­çu de cette belle Provence roya­liste, il fal­lait assis­ter ce dimanche 11 juin au « Midi Blanc », ren­contre orga­ni­sée d’une main de maître par les sec­tions pro­ven­çales de l’Action Française. Pas de panique cepen­dant si vous avez raté l’événement cette année, forts d’être par­ve­nus à se ras­sem­bler en nombre, les roya­listes de Provence comptent bien ins­crire dans la durée ce ren­dez-vous poli­tique majeur à l’agenda de notre belle région.

Réunis dans le cadre enchan­teur d’une vieille bas­tide varoise entou­rée de vignes et d’oliviers, il fai­sait bon flâ­ner ce dimanche sur les gra­viers de la cour, à l’ombre de vieux tilleuls en fleur. Au milieu de stands tenus par des mili­tants de l’Action Française, tout en feuille­tant des revues roya­listes et autres réédi­tions d’ouvrages de Maurras et ses dis­ciples, on pou­vait d’ores et déjà aper­ce­voir Renaud Camus déam­bu­ler entre des sym­pa­thi­sants arri­vant tou­jours plus nom­breux. Impeccablement vêtu d’un pan­ta­lon beige et d’une veste tout aus­si blanche que sa barbe, l’écrivain de 76 ans, connu pour avoir le pre­mier don­né son véri­table nom au « Grand Remplacement »(1) en cours, a répon­du pré­sent à l’événement et s’apprête à ins­crire ses pas dans le sillage pres­ti­gieux des Boutang, Raspail et autres Volkoff, venus en leur temps eux aus­si por­ter leur art ora­toire ins­pi­ré devant une assem­blée royaliste.

Avant la confé­rence inau­gu­rale de Renaud Camus tant atten­due par un public que l’on devine acquis à sa cause, c’est le pré­sident de la Fédération roya­liste de Provence, Jean Gugliotta, qui prend place sur l’estrade, cer­né par deux ban­nières pro­ven­çales et un dra­peau de l’Action Française, pour annon­cer la bien­ve­nue aux sym­pa­thi­sants roya­listes venus en masse pour ce renou­veau du « Midi Blanc ». Il enjoint l’audience à renouer avec notre longue tra­di­tion roya­liste dans cette Provence si chère au cœur de Maurras et à lut­ter contre le mythe d’une Provence uni­for­mé­ment rouge. Il clô­ture son dis­cours en nous inti­mant de « voir Berre », comme l’écrivait le maître de Martigues, c’est-à-dire voir le che­min qui conduit chez nous. Et dans ce Midi Blanc, en ce dimanche matin, on se sent en effet comme à la maison.

C’est donc au tour de Renaud Camus de prendre la parole et de dérou­ler son habi­tuel et impla­cable diag­nos­tic sur les petits et grands rem­pla­ce­ments à l’œuvre dans notre pays et qui par­tout assaillent notre civi­li­sa­tion. Concernant ce qu’il est désor­mais conve­nu d’appeler le « Grand Remplacement », l’auteur prend bien soin de rap­pe­ler à son public qu’il ne s’agit là en aucun cas d’une « théo­rie »(1) , comme ses nom­breux détrac­teurs aiment à la pré­sen­ter, mais bel et bien d’un simple constat sen­sible qu’il ne s’abaissera jamais à démon­trer à l’aide de chiffres : « Doit-on après tout four­nir des preuves chif­frées pour prou­ver qu’un trem­ble­ment de terre ou un tsu­na­mi ont bien eu lieu ?» En s’en pre­nant aux néga­tion­nistes modernes qui feignent de nier la chose pour lui per­mettre de mieux s’accomplir, Camus nous explique que le grand rem­pla­ce­ment sera par­fai­te­ment accom­pli en France le jour où il n’y aura plus un seul étran­ger sur notre sol (les innom­brables vagues de natu­ra­li­sa­tions aidant).
Après avoir sou­li­gné qu’il s’agissait sous nos yeux de la pre­mière colo­ni­sa­tion de l’histoire à s’effectuer aux frais des colo­ni­sés, Camus embraye sur l’autre volet de son ana­lyse, tout aus­si per­ti­nent bien que géné­ra­le­ment moins média­ti­sé, je veux par­ler de son « Petit Remplacement », corol­laire pour­tant indis­pen­sable à son « Grand Remplacement ». Car pour l’auteur, notre socié­té est mar­quée du sceau mau­dit de l’interchangeabilité de toute chose et de tout être. Et son « Petit Remplacement » témoigne de l’avènement moderne du « bidon », de cet uni­vers du faux réel pro­phé­ti­sé déjà par Guy Debord à la fin des années soixante et per­çu par Céline lui-même, notre écri­vain génial à la pers­pi­ca­ci­té fou­droyante et au flair infaillible, encore dix ans plus tôt, dans son D’un châ­teau l’autre, où il notait déjà que tout était deve­nu « tocard et con ». Avec comme figure de proue celle du « trans », notre époque n’en peut plus de révé­rer tout ce qui n’est plus ce qu’il a un jour été. Pour les maur­ras­siens les plus lucides de l’assemblée, le « petit rem­pla­ce­ment », c’est le constat dou­lou­reux que le « pays réel » n’existe plus (ce qu’avait déjà en par­tie acté Boutang) et que l’étang de Berre buco­lique de Maurras a lui aus­si été rem­pla­cé par un étang pétro­chi­mique net­te­ment moins idyl­lique.
Renaud Camus vient fina­le­ment mettre un terme à sa confé­rence avec des accents de dis­si­dents sovié­tiques, conti­nuant de croire qu’une étin­celle de véri­té, por­tée par quelques rares indi­vi­dus cou­ra­geux, res­te­ra tou­jours le meilleur moyen de mettre à bas un monde construit à l’image du nôtre sur un men­songe inté­gral. De la même manière, il enjoint éga­le­ment son audi­toire à s’inspirer des com­bats anti­co­lo­niaux du siècle pas­sé, nous rap­pe­lant au pas­sage cette réa­li­té usur­pée que les « indi­gènes » (je n’irai pas ici jusqu’à dire « de la répu­blique »), en réa­li­té, c’est quand même bien nous. Enfin, en se récla­mant du seul éco­lo­gisme consé­quent qu’il soit, c’est-à-dire anti-consu­mé­riste, favo­rable à la bio­di­ver­si­té humaine et mal­thu­sien (avec l’idéal pour lui d’une France à 50 mil­lions d’habitants), Camus vient clô­tu­rer plus d’une heure de dis­cours sous un ton­nerre d’applaudissements. Une bonne par­tie du public res­te­ra pour­tant quelque peu flouée par cette der­nière injonc­tion mal­thu­sienne, trou­vant là une apo­rie(2) consi­dé­rable dans la pen­sée camu­sienne et un écueil dans sa stra­té­gie de lutte contre le « Grand Remplacement ». Elle ne man­que­ra pas de lui faire vigou­reu­se­ment savoir durant toute la séance de ques­tions qui lui sera accordée.

Mais l’heure du déjeu­ner, sans crier gare, est déjà arri­vée jusqu’à nous, et c’est un verre de vin à la main que les par­ti­ci­pants se dirigent à l’unisson vers les deux tables immen­sé­ment longues qui ont été soi­gneu­se­ment dres­sées pour ce moment cru­cial de la jour­née et si cher à ce bon Léon Daudet, le ban­quet. Au menu, grillades et vins de la pro­prié­té, avec de nom­breux chants venant régu­liè­re­ment entre­cou­per le repas. Des tra­di­tion­nelles chan­sons roya­listes à notre hymne mis­tra­lien du Félibrige, l’éternelle Coupo Santo(3), sans oublier au pas­sage quelques chants mili­taires à la gloire de l’Algérie fran­çaise, les pieds noirs et leurs des­cen­dants ayant tou­jours pu fidè­le­ment comp­ter sur les roya­listes fran­çais pour trou­ver, en leur com­pa­gnie, un ultime refuge poli­tique ines­pé­ré, plus que jamais depuis la dis­pa­ri­tion du Front National historique.

Après toutes ces réjouis­sances et bons moments de convi­via­li­té, il faut mal­gré tout pen­ser à reprendre le cercle de confé­rences. Et à une heure où la sieste du dimanche est qua­si­ment ins­ti­tu­tion­nelle en Provence, c’est au très sym­pa­thique Thomas Taquin, his­to­rien aus­si pas­sion­né qu’érudit, que revient la lourde tâche d’aborder le sujet de « Toulon sous la Révolution fran­çaise » face à un audi­toire en pleine diges­tion et ber­cé par la dou­ceur rafraî­chis­sante des vents annon­cia­teurs d’orages. Mais que grâce lui soit ren­due, Thomas Taquin relè­ve­ra ce défi avec brio, par­ve­nant à rendre pas­sion­nante sa nar­ra­tion, depuis l’insoumission d’une par­tie du peuple tou­lon­nais res­tée fidèle à l’Ancien Régime jusqu’à la grande répres­sion san­glante de décembre 1793, où la ville bas­cu­la défi­ni­ti­ve­ment du côté des révolutionnaires.

La jour­née pren­dra fin avec la béné­dic­tion d’Hilaire de Crémiers, roya­liste notoire et proche du prince Jean, qui ne man­que­ra pas d’appuyer encore un bon coup sur l’ignominie congé­ni­tale de la répu­blique et de tous les répu­bli­cains ayant exis­té jusqu’à nos jours, sans oublier au pas­sage les demi-répu­bli­cains contra­riés qui conti­nuent d’ajouter piteu­se­ment « et sur­tout vive la France » après avoir lâche­ment répé­té avec la canaille « vive la répu­blique ». Car depuis la mort de Louis XVI, pour Hilaire de Crémiers, les hommes poli­tiques qui se sont suc­cé­dé, de Napoléon à notre gro­tesque Macron, en pas­sant par l’intouchable de Gaulle, auront tous vai­ne­ment trim­bal­lé avec eux leur amour-propre déme­su­ré dans une quête aus­si per­pé­tuelle qu’inatteignable de légi­ti­mi­té, oubliant tou­jours de s’effacer devant la patrie qu’ils étaient cen­sé ser­vir. Et alors que notre ora­teur com­mence à peine à s’échauffer, et que notre petit Macron en prend tou­jours plus vio­lem­ment pour son grade, l’orage que l’on sen­tait poindre depuis quelques ins­tants déjà, vient hâter pré­ma­tu­ré­ment la fin de son dis­cours. En se réfu­giant cha­cun comme il le peut à l’abri des arbres alen­tour, nous par­ve­nons tout juste à entendre la voix d’Hilaire de Crémiers nous haran­guer, dans une ultime ruade, que la France est plus que jamais exsangue et que son effon­dre­ment immi­nent est fina­le­ment bien souhaitable.

La jour­née venait de prendre fin et cha­cun de nous pou­vait dès lors ren­trer chez soi le cœur léger. Après l’aridité inter­mi­nable de tous ces mois de séche­resse que avions connue, la dou­ceur sal­va­trice de la pluie renouait à nou­veau avec le sol provençal.

Tom Benejam
15 juin 2023

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Tom Benejam

3 Commentaires 

  1. Que la FRANCE sen­ti­rait bon si de telles réunions perduraient !!!

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    • Pourquoi ? La France elle sent mauvais ?

      Répondre
      • Ceux qui la gou­vernent, oui.

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