La Voie des Pères et la Voie des Dieux

par | 3 juillet 2023 | 1 com­men­taire

« D’une manière géné­rale, avec l’avènement de l’humanisme et du pro­mé­théisme, il a fal­lu choi­sir entre la liber­té du sou­ve­rain et celle du rebelle, et l’on a choi­si la seconde. » En une phrase, Julius Evola avait dévoi­lé le sort de notre huma­ni­té(1) en indi­quant les causes les plus visibles du déclin que nous vivons aujourd’hui.

Un admi­ra­teur de la pen­sée du « phi­lo­sophe au mar­teau(2) », Friedrich Nietzsche, serait éton­né, voire scan­da­li­sé, que Julius Evola éta­blisse un rap­port de cause à effet entre le pre­mier de ces termes : l’humanisme, et le deuxième : le pro­mé­théisme, autre­ment dit le sur­hu­main(3). Il se conso­le­rait cepen­dant en se rap­pe­lant que Nietzsche disait lui-même « On n’est fécond qu’à ce prix : être riche de contra­dic­tions(4). »
Et nous ajou­te­rons que le même lien existe entre le terme sur­hu­ma­nisme et un autre, encore plus moderne, qui fait flo­rès aujourd’hui, et dont on aime­rait bien qu’il ne reste qu’à l’état d’un mot : celui de trans­hu­ma­nisme.
On ne peut com­prendre cette filia­tion régres­sive que si l’on a su se débar­ras­ser de la mys­ti­fi­ca­tion dar­wi­nienne de l’évolution(5) qui pèse sur la men­ta­li­té de l’homme moderne comme un dogme incon­tour­nable. Ce rejet libé­ra­teur sup­pose être déjà entré dans un pro­ces­sus fon­da­men­ta­le­ment et authen­ti­que­ment révo­lu­tion­naire, ce qu’avait expli­qué, prô­né et ini­tié Julius Evola(6), qui eut cette phrase sublime et défi­ni­tive : « Le fait qu’à la concep­tion aris­to­cra­tique d’une ori­gine d’“en haut”, d’un pas­sé de lumière et d’esprit, se soit sub­sti­tuée de nos jours l’idée démo­cra­tique de l’évolutionnisme, qui fait déri­ver le supé­rieur de l’inférieur, l’homme de l’animal, la civi­li­sa­tion de la bar­ba­rie – cor­res­pond moins au résul­tat “objec­tif” d’une recherche scien­ti­fique consciente et libre, qu’à une des nom­breuses influences que, par des voies sou­ter­raines, l’avènement dans le monde moderne des couches infé­rieures de l’homme sans tra­di­tion, a exer­cées sur le plan intel­lec­tuel, his­to­rique et bio­lo­gique. »
En invo­quant la réa­li­té de l’involution, ce n’est évi­dem­ment pas Evola qui pra­tique l’inversion des valeurs mais bien l’écrasante majo­ri­té de nos contem­po­rains qui ignorent que cette repré­sen­ta­tion est en accord avec l’une des carac­té­ris­tiques qui défi­nissent une fin de cycle, pré­ci­sé­ment le fait qu’aux tout der­niers moments du Kali-Yuga, toutes les valeurs qui assu­raient la forme d’une civi­li­sa­tion se trouvent com­plè­te­ment inversées.

Humanisme

Les dic­tion­naires s’accordent pour don­ner deux défi­ni­tions du mot huma­nisme :
• La pre­mière désigne un mou­ve­ment phi­lo­so­phique, artis­tique et lit­té­raire qui naquit en Italie à l’aube de la période dite de la Renaissance (XVeXVIe siècle), qui se pro­pa­gea à toute l’Europe et qui s’attacha à réveiller les valeurs trans­mises par l’Antiquité (concept qui res­ta ensuite dans le lan­gage cou­rant pour dési­gner les études consa­crées à cette période : faire ses « huma­ni­tés »). Il n’est pas inutile de rap­pe­ler que, pour les his­to­riens pro­fanes, la « Modernité » débute à la Renaissance, ce qui induit que la Renaissance, par un retour­ne­ment séman­tique inclus dans toute fin de cycle, était donc le début de la fin(7).
• La seconde défi­ni­tion indique que l’humanisme est « de nos jours, toute théo­rie phi­lo­so­phique, sociale, poli­tique, ayant pour but suprême le déve­lop­pe­ment illi­mi­té de toutes les pos­si­bi­li­tés de l’homme » (Larousse)
En ce qui concerne la pre­mière défi­ni­tion du mot huma­nisme, Julius Evola disait ceci : « On vou­drait voir dans la Renaissance, sous beau­coup de ses aspects, une reprise de la civi­li­sa­tion antique, décou­verte de nou­veau et réaf­fir­mée contre le monde morne du chris­tia­nisme médié­val. Il s’a­git là d’un grave mal­en­ten­du. La Renaissance ne reprit du monde antique que des formes déca­dentes et non celles des ori­gines, péné­trées d’élé­ments sacrés et supra-per­son­nels, ou les reprit en négli­geant com­plè­te­ment ces élé­ments et en uti­li­sant l’hé­ri­tage antique dans une direc­tion tout à fait dif­fé­rente. Dans la Renaissance, en réa­li­té, la “paga­ni­té” ser­vit essen­tiel­le­ment à déve­lop­per la simple affir­ma­tion de l’Homme, à fomen­ter une exal­ta­tion de l’in­di­vi­du qui s’en­ivre des pro­duc­tions d’un art, d’une éru­di­tion et d’une spé­cu­la­tion dénuées de tout élé­ment trans­cen­dant et méta­phy­sique(8). »
Et nous ne serons pas sur­pris que Julius Evola ait pré­fé­ré voir dans le Moyen-Âge cette « Renaissance » qui pou­vait consti­tuer, à notre humble avis, une résur­gence mira­cu­leuse, éphé­mère sûre­ment, de la Tradition pri­mor­diale, notam­ment avec le cycle du Graal.
« Si, depuis la fin du monde antique », dit-il, « il y eut une civi­li­sa­tion qui méri­ta le nom de Renaissance, ce fut bien celle du Moyen-Âge. Dans son objec­ti­vi­té, dans son “viri­lisme”, dans sa struc­ture hié­rar­chique, dans sa superbe élé­men­ta­ri­té anti-huma­niste, si sou­vent péné­trée de sacré, le Moyen-Âge fut comme une nou­velle flam­bée de l’es­prit de la civi­li­sa­tion, uni­ver­selle et une, des ori­gines(9). »
Nous dirons que Julius Evola pou­vait, en revanche, être en accord avec la deuxième défi­ni­tion ; il semble que les rédac­teurs des divers dic­tion­naires qui ont, à la qua­si-una­ni­mi­té, adop­té son libel­lé, n’aient pas per­çu les nom­breuses consé­quences qu’elle pou­vait entraî­ner, spé­cia­le­ment à notre époque où, par un effet natu­rel, cer­tains indi­vi­dus favo­ri­sés com­men­çant à sen­tir les pré­misses du nou­veau cycle, com­prennent que l’humain s’est attri­bué une place au sein de l’univers qui, loin de cor­res­pondre à celle que lui a assi­gnée la divi­ni­té, n’est que l’expression arro­gante de son orgueil.
La tâche prin­ci­pale du pro­chain cycle que nous devons pré­pa­rer consis­te­ra à remettre l’Homme à sa place. Les Européens traînent avec eux le bou­let fruste et bru­tal de leurs ori­gines sup­po­sées dont la doxa évo­lu­tion­niste a accré­di­té l’Histoire. Julius Evola, qui disait que de l’inférieur ne peut naître le supé­rieur, ne s’y trom­pait pas. Nos ancêtres euro­péens de l’Âge d’Or avaient par­fai­te­ment conscience d’être inté­grés à l’univers cos­mique, d’en être à la fois les conduc­teurs, les pro­tec­teurs et les pro­duc­teurs, les trois fonc­tions qui régis­saient leur monde. Les hommes étaient l’élément régu­la­teur, équi­li­brant, de ce que les mono­théistes ont ensuite dénom­mé la « créa­tion » ; ils n’étaient ni pré­da­teurs ni dépré­da­teurs des autres règnes, ani­mal, végé­tal, miné­ral. À l’Homme, mis­sion­né par la divi­ni­té, incom­bait la res­pon­sa­bi­li­té de la par­faite har­mo­nie du monde.
Nous conclu­rons ce para­graphe consa­cré à l’interprétation de ce concept d’humanisme avec René Guénon qui, dans La Crise du monde moderne, ras­semble ses deux volets évo­qués plus haut : « Il y a un mot qui fut mis en hon­neur à la Renaissance, et qui résu­mait par avance tout le pro­gramme de la civi­li­sa­tion moderne : ce mot est celui d’“humanisme”. Il s’agissait en effet de tout réduire à des pro­por­tions pure­ment humaines, de faire abs­trac­tion de tout prin­cipe d’ordre supé­rieur, et, pour­rait-on dire sym­bo­li­que­ment, de se détour­ner du ciel sous pré­texte de conqué­rir la terre. »

Surhumanisme

Ce mot, sur­hu­ma­nisme, est sou­vent asso­cié à deux autres : pro­mé­théisme et tita­nisme, tous deux issus de la mytho­lo­gie grecque. Nietzsche se conten­tait d’appeler de ses vœux le sur­homme ou le sur­hu­main, mais on retrouve, à l’origine, le terme de « sur­hu­ma­nisme » sous la plume d’un écri­vain nom­mé Gabriel-Rey pour titrer son livre : Humanisme et sur­hu­ma­nisme paru en 1951 ; selon cet auteur, le sur­hu­ma­nisme était le contraire de l’humanisme. Le terme sera repris ensuite en France par Giorgio Locchi et Guillaume Faye pour prô­ner, chez ce der­nier, un archéo­fu­tu­risme lar­ge­ment influen­cé par la tech­nos­cience.
Evola écri­vait dans L’Arc et la Massue : « Par “huma­nisme”, nous enten­dons une vision glo­bale tout entière cen­trée sur l’homme, sur la condi­tion humaine, ce qui est humain deve­nant alors l’objet d’un culte, pour ne pas dire d’un véri­table féti­chisme. » et il fai­sait un peu plus loin le lien entre huma­nisme d’une part et pro­mé­théisme ou tita­nisme d’autre part sans employer, lui non plus, le terme de sur­hu­ma­nisme : « Le pro­to­type de l’esprit humain avec toute sa “noblesse”, on le découvre chez le rebelle qui s’est révol­té contre les forces supé­rieures, chez le Titan : Prométhée. »

Titanisme

Dans la mytho­lo­gie grecque, les Titans consti­tuent une race ori­gi­nelle, archaïque, appa­rue avant même les dieux olym­piens (ain­si appe­lés en rai­son de leur demeure, le mont Olympe) ; les Titans sont étroi­te­ment liés à l’espèce humaine quelle que soit l’origine de celle-ci ; dans un cas, les deux races sont créées par Gaïa, la Terre, (pour les hommes, issus de la Terre, c’est le mythe de l’autotochnie), dans l’autre, les humains sont créés par Prométhée, un Titan.
Prométhée est l’inventeur de l’humanisme (que cer­tains confondent avec l’amour de son pro­chain, et même de son loin­tain, de l’humanité en géné­ral) et, à ce titre, le pré­cur­seur de la pas­sion et de la mis­sion du Christ, d’une part, mais aus­si, d’autre part, consi­dé­rant l’Homme comme maître des autres règnes cos­miques, la réfé­rence et l’alibi des folies maté­ria­listes de notre monde actuel, ce que les phi­lo­sophes appellent l’hubris, la déme­sure éle­vée en mode de fonc­tion­ne­ment de nos socié­tés actuelles, la folie tita­nesque ; nous ne pren­drons pour seul exemple, cari­ca­tu­ral, de cette folie que celui de cette course à celui qui élè­ve­ra la plus haute tour au monde (on pense à la Tour de Babel), com­pé­ti­tion enga­gée par les Bédouins mil­liar­daires qui les dis­trait des courses de cha­meaux dont ils sont friands ; mais cette fré­né­sie de construc­tion ver­ti­cale s’étend à l’ensemble de la pla­nète, si bien que les villes de culture qui se dis­tin­guaient par une archi­tec­ture enra­ci­née perdent leur spé­ci­fi­ci­té et sombrent dans l’anonymat et l’uniformité de ces ter­ri­fiantes méga­poles dont Oswald Spengler avait si bien pro­phé­ti­sé la sinistre emprise.
Mais nous n’oublions pas pour autant le nau­frage du plus grand bateau de l’époque, le Titanic, si bien nom­mé, cou­lé par un blanc des­troyer venu d’Hyperborée, un ice­berg, aver­tis­se­ment très sym­bo­lique don­né par les divi­ni­tés au tout début du XXe siècle(10).
Julius Evola est le pen­seur euro­péen qui a le mieux com­pris dans quel abîme allait nous entraî­ner l’initiative mal­heu­reuse de Prométhée car, en effet, et nous pou­vons le véri­fier de nos jours, toute l’histoire de la pen­sée reli­gieuse en Occident depuis Prométhée nous a conduit à la pitoyable reli­gion des « Droits de l’Homme » (qui a suc­cé­dé à un chris­tia­nisme gau­chi­sé et laï­ci­sé), elle-même rem­pla­cée par la reli­gion scien­tiste de l’évolution dar­wi­nienne, à tra­vers un pro­ces­sus trans­for­miste qui, par­tant du Titan orgueilleux qui veut se mesu­rer aux dieux et se retrouve sup­pli­cié, passe par le Christ qui choi­sit d’interpeller les hommes par son mar­tyre, pour arri­ver au déni de ces deux sacri­fices dans l’anarchie jouis­sive, arti­fi­cielle, vul­gaire et maté­ria­liste de notre fin de cycle.
La four­be­rie et la vani­té du Titan Prométhée qui défia les dieux pro­vo­quèrent leur réac­tion qui firent de l’Homme, qui jouis­sait d’un sta­tut d’immortel, un être sou­mis aux contin­gences maté­rielles et aux aléas de la nature ; l’humain dégra­dé se ven­ge­ra sur cette der­nière, rédui­sant son séjour sur Terre à une lutte pour la sur­vie contre les autres règnes ; il convient de remar­quer avec quelque éton­ne­ment que les hommes conti­nuent d’honorer celui qui pro­vo­qua leur chute. Paul Diel dira : « Les hommes, en tant que créa­tures de Prométhée, for­més de boue et ani­més par le feu volé, réa­lisent la révolte du Titan et ne pour­ront que se per­ver­tir. Guidés par la vani­té de l’intellect révol­té, fiers de leurs capa­ci­tés d’invention et de leurs créa­tions ingé­nieuses, les hommes s’imagineront être pareils aux dieux(11). »

Prométhée, sa vie, son œuvre

Rappelons briè­ve­ment, si c’est pos­sible – l’histoire est com­pli­quée – qui était Prométhée dans la mytho­lo­gie grecque.
Il est issu des divi­ni­tés pri­mor­diales appa­rues avant les dieux de l’Olympe, une race de géants dont les des­cen­dants se répar­ti­ront en deux clans, celui de Zeus en sor­ti­ra vain­queur, se débar­ras­se­ra de ses adver­saires mais conser­ve­ra à ses côtés Prométhée et son frère Épiméthée qui l’avaient ral­lié à temps ; les nou­veaux maîtres de l’univers au nombre de douze, diri­gés par Zeus, habi­te­ront un jar­din secret situé sur le plus haut som­met de la Grèce, le Mont Olympe ; Prométhée ne fait pas par­tie des douze élus dans cette mytho­lo­gie ; la créa­tion de l’Homme nous offre deux ver­sions :
• soit c’est Prométhée qui aurait créé les hommes à par­tir d’argile,
• soit l’humain est appa­ru avant même que Zeus ne soit roi, créé par Gaïa, la Terre, en même temps que les Géants.
Prométhée avait déjà tra­hi son clan en s’alliant avec celui de Zeus ; mais il n’est pas satis­fait de sa condi­tion ; il ne fait pas par­tie des élus ; il a dans l’idée de défier les Olympiens, et sur­tout Zeus, en les spo­liant au pro­fit de ses pro­té­gés, les humains (pré­ci­sons qu’il n’y a alors que des hommes de sexe mâle), qu’il ini­tie­ra à l’agriculture, la construc­tion, l’astrologie, la méde­cine…
Son pre­mier for­fait sera de léser Zeus en par­ta­geant un bœuf entre les dieux et les hommes ; « comme Prométhée est un dieu à mètis, un rou­blard, un men­teur qui veut essayer de pos­sé­der Zeus, de lui jouer un tour, il fraude les parts(12)», explique Jean-Pierre Vernant, le spé­cia­liste de la Grèce antique ; en fait, Prométhée donne aux dieux des os qu’il recouvre de graisse pour les trom­per et réserve la viande aux hommes ; Zeus punit les hommes (com­pères de Prométhée) lorsqu’il se rend compte de la super­che­rie ; les hommes changent de sta­tut, ils étaient sem­blables aux dieux, et ils sont dès lors obli­gés de tra­vailler pour se nour­rir et sont pri­vés du feu ; pour cou­ron­ner le tout, Zeus offre la femme, Pandora, à Prométhée (comme puni­tion sup­plé­men­taire ?), qui la refuse, mais le frère de Prométhée, Épiméthée, l’accepte ; voi­ci que s’avance le « mythe » d’Adam et Ève ; car Pandora n’est pas une déesse, elle n’est pas non plus une humaine, c’est une créa­tion arti­fi­cielle ; la boîte que Pandora va ouvrir, soit par curio­si­té, soit par pro­gram­ma­tion, est la pomme qu’Éve don­ne­ra à cro­quer à Adam. La boîte de Pandore contient tous les vices, tout ce qui fait que l’Homme ne sera plus par­fait, qu’il devra attendre le retour à un nou­vel Âge d’or pour renouer avec la voie olym­pienne. Avec la femme, l’Homme en tant qu’espèce va se repro­duire lui-même. C’est donc grâce à la femme qu’est créée la « Voie des Pères ». Désormais, l’immortalité des hommes se limi­te­ra à un ersatz : la lignée.
Dans ce que nous appe­lons la Voie des Pères, c’est-à-dire celle des hommes affran­chie des dieux, celle des anges rebelles, Evola dis­tingue une hié­rar­chie : « Tourmentée et domi­née par l’élan de l’amour, la nature mor­telle cherche à atteindre l’immortalité sous la forme de la conti­nua­tion de l’espèce, en engen­drant. » Ainsi, l’être humain vit son immor­ta­li­té « tout comme un arbre dont les feuilles mortes sont rem­pla­cées par d’autres feuilles. On est ici à l’opposé de la concep­tion de l’immortalité véri­table, olym­pienne, qui implique au contraire la rup­ture du lien natu­ra­liste et tel­lu­ri­co-mater­nel, la sor­tie du cercle pérenne de la géné­ra­tion, l’ascension vers la région de l’immutabilité et de l’être pur. » et Evola ajoute : « Il est évident que “l’immortalité tel­lu­rique” ou “tem­po­relle” est une pure illu­sion […] parce qu’une lignée peut s’éteindre, parce qu’un cata­clysme peut mettre un terme à l’existence, non seule­ment du sang auquel on appar­tient, mais de toute une race, de sorte que le mirage de cette immor­ta­li­té est on ne peut plus fal­la­cieux. […] L’enfant n’est pas engen­dré comme un être immor­tel qui arrête la série et qui “monte”, il est engen­dré en tant qu’être iden­tique à eux. C’est l’éternel et inutile rem­plis­sage du ton­neau des Danaïdes, le vain tis­sage de la corde d’Oknos, que l’âne du monde psy­chique infé­rieur n’en finit pas de ron­ger(13). »

La « sur­hu­ma­ni­té » est une fin, terme pris dans les deux sens : un but et un achè­ve­ment ; l’Homme ne sort pas de sa condi­tion, qu’à l’inverse, il va exal­ter, mais dans laquelle il va res­ter. La lignée, la Voie des Pères, consti­tue une sorte de gale­rie des glaces où l’Homme se mire à l’infini, sur le mode gro­tesque ou sublime selon les des­ti­nées, tour­nant en rond inlas­sa­ble­ment, comme une mouche qui se heurte à la vitre (ouverte) pen­dant des heures sans pou­voir sor­tir, alors que la liber­té est à sa portée.

Après ses pre­mières frasques et ses pre­miers déboires, Prométhée ne s’avoue tou­jours pas vain­cu ; il va déro­ber le feu sacré pour le don­ner aux hommes. Cette fois, c’est Prométhée lui-même qui sera puni, atta­ché à un rocher au som­met du Caucase, il se ver­ra dévo­rer le foie par un aigle ; tout est sym­bole dans la mytho­lo­gie : l’aigle, attri­but de Zeus, l’oiseau qui peut regar­der le soleil en face, l’oiseau de la véri­té, vient tor­tu­rer le Titan per­fide en lui ron­geant le foie qui repousse en per­ma­nence ; le foie humain a, de même que la peau, cette par­ti­cu­la­ri­té de repous­ser, de se régé­né­rer ; tant que l’Homme, repré­sen­té par le Titan et com­plice, au moins par son silence, du Titan, ne se sera pas sou­mis aux forces divines, il subi­ra le châ­ti­ment là-même où il aura conser­vé un embryon d’éternité ou, tout au moins, de renais­sance. La porte vers l’immortalité ne lui est donc pas défi­ni­ti­ve­ment fer­mée.
De même, les anges déchus que seront deve­nus les Titans vont conser­ver dans le dos, avec les omo­plates, une ébauche (ou un moi­gnon selon qu’on se tourne vers le pas­sé ou l’avenir), des ailes qui lui auront été rognées. C’est ce même mythe qu’on retrou­ve­ra dans le chris­tia­nisme.
C’est Héraklès qui vien­dra déli­vrer Prométhée. On retrouve à nou­veau, dans le per­son­nage d’Héraklès, une pré­fi­gu­ra­tion du Christ puisqu’il est lui aus­si fils de Dieu (de Zeus) et d’une mor­telle, Alcmène, qu’il vou­dra périr sur un bûcher, mort qu’il aura lui-même récla­mée, mais son Père le rap­pel­le­ra à ses côtés dans l’Olympe.
Héraklès tue­ra l’aigle avec ses flèches, sym­boles de rec­ti­tude, en oppo­si­tion avec le carac­tère per­fide de Prométhée ; Héraklès, ce fai­sant, est ici « fils du car­quois », exé­cu­tant les déci­sions des ins­tances olympiennes.

Le mythe de Prométhée, c’est le mythe du malentendu… ou de l’ignorance

Tout un pan de la pen­sée conser­va­trice actuelle, de ceux qui se pensent atta­chés à une « tra­di­tion », se trompent en pre­nant pour modèle un Prométhée qui serait l’archétype des grands che­va­liers qui se sont illus­trés tout au long de notre his­toire pour se poser en défen­seurs des valeurs éter­nelles qui ont façon­né et pré­ser­vé jusqu’ici l’âme euro­péenne. Ils se trompent encore plus en éri­geant la figure de Prométhée en démiurge d’une Europe à venir, une Europe de science-fic­tion à la façon Blade Runner, au ciel sillon­né en tous sens de vais­seaux hyper­so­niques et bâtie sur une terre défi­ni­ti­ve­ment inculte sur laquelle ne poussent que d’immondes gratte-ciel d’acier et de béton dans une débauche de bruits de chaînes et de vapeurs méphi­tiques exha­lées par l’antre de Sauron, une Europe qui a conquis le monde par sa tech­nique et sa science en oubliant que son ingé­nio­si­té ne lui a ser­vi qu’à fabri­quer des pro­thèses arti­fi­cielles pour rem­pla­cer les pou­voirs natu­rels que les hommes déte­naient avant l’intervention de Prométhée, « quand ils vivaient avec les dieux(14)». On ne construit rien et on ne peut envi­sa­ger aucun ave­nir sur la base de la ruse, du vol et du men­songe. C’est pour­tant le pro­jet des trans­hu­ma­nistes qui sont les héri­tiers directs du sur­hu­ma­nisme, nous en repar­le­rons.
En réa­li­té, Prométhée est la figure de l’inconséquence, de la ruse (celle qui est néces­saire quand on n’a pas de « forme », pas de sta­ture, pas de digni­té, de droi­ture), du « tor­du », tel que le défi­nit Evola : « L’esprit tita­nique aime ce qui est “tor­du”, car “tor­du” est, de par sa nature, le men­songe, de même qu’est “tor­du” aus­si une œuvre intel­li­gente, comme par exemple le las­so, le nœud cou­lant ; l’attribut natu­rel de l’esprit olym­pien, c’est la trans­pa­rence de l’être ; l’attribut natu­rel de l’esprit tita­nique, c’est, en revanche, la misère spi­ri­tuelle : stu­pi­di­té, impru­dence, mal­adresse(15). »
Jean-Pierre Vernant, avec humour, traite Prométhée de « soixante-hui­tard de l’Olympe(16)», François Flahaut resi­tue judi­cieu­se­ment la « révolte » pro­mé­théenne dans le contexte actuel : « À s’imposer comme figure de la gran­deur, la révolte pro­mé­théenne a fini par deve­nir un signe social de valeur, un sté­réo­type, une pâle imi­ta­tion de ce qu’elle fut chez Goethe et Byron ; si bien qu’aujourd’hui, s’en récla­mer, c’est géné­ra­le­ment recy­cler un pon­cif et, au contraire de ce qu’on pré­tend être, se confor­mer à l’esprit du temps. À cet égard, la valo­ri­sa­tion de la révolte pro­mé­théenne pré­sente le même carac­tère contra­dic­toire que celle de l’originalité : plus on cherche à l’être, moins on l’est(17). »
Nous ne serons donc pas éton­nés, au terme de ce por­trait peu élo­gieux, que le tita­nisme ou le pro­mé­théisme ait don­né nais­sance au trans­hu­ma­nisme, nous dirons même que c’en était la suite logique.

Le transhumanisme

Evola, s’il a eu l’intuition de cette future apo­ca­lypse, inhé­rente à toute fin de cycle, consti­tuée par un conjonc­tion de catas­trophes natu­relles ou/​et créées par l’Homme, n’avait pas ima­gi­né les effrayantes moda­li­tés de sa mise en place. Mais quel esprit nor­ma­le­ment consti­tué aurait pu pré­voir les déra­pages mons­trueux de la secte hors-sol qui a pris en mains les rênes du monde en ce début du XXIe siècle ?
Le but suprême des trans­hu­ma­nistes n’est plus de se mesu­rer à Dieu, de le défier comme l’avait fait Prométhée, c’est de le rem­pla­cer.
Pour aller de l’avant, reve­nons en arrière. Le phi­lo­sophe Jean-Pierre Vernant nous disait que, avant l’intervention de Prométhée, les hommes ne mou­raient pas.
Après le par­tage frau­du­leux du bœuf et le vol du feu, les deux prin­ci­pales infa­mies per­pé­trées par Prométhée, les hommes se sont vus confi­nés à la mor­ta­li­té. Et Prométhée, le Titan orgueilleux qui affron­tait les dieux, s’est inves­ti d’une mis­sion : apprendre à vivre aux hommes, mar­quant bien son choix, comme disait Evola, entre la Voie des Dieux, celle de l’Olympe, et la Voie des Pères, celle des Hommes. Il a choi­si cette der­nière et a donc inven­té l’humanisme et le sur­hu­ma­nisme, la volon­té pour l’Homme de dépas­ser, non seule­ment l’ordre natu­rel (signi­fiant ain­si qu’il ne par­ti­ci­pe­rait pas du cos­mos), mais aus­si sa propre condi­tion, pour conti­nuer à bra­ver les dieux.
Mais Prométhée n’avait pas l’intention de s’arrêter en si bon che­min ; une der­nière étape devait être fran­chie : il ferait des hommes des dieux en leur res­ti­tuant l’immortalité que Zeus leur avait ôtée. Lui, le Titan, serait à l’origine de ce bas­cu­le­ment du monde ; il atten­drait la fin du cycle qu’il détour­ne­rait à son pro­fit et à celui des hommes, se pas­sant de toute auto­ri­té divine.
Nous en sommes bien arri­vés à ce point. Cette nou­velle étape s’appelle le trans­hu­ma­nisme. À une dif­fé­rence près : les trans­hu­ma­nistes se sou­cient comme d’une guigne du sort des Hommes ; chez eux, aucune bien­veillance, aucune com­pas­sion ; ce qui les inté­resse, c’est de sou­mettre les humains, comme les pro­mé­théens l’ont fait de la nature, des plantes et des ani­maux, d’en faire des esclaves ou des robots mais, aupa­ra­vant, de réduire leur nombre ; car les trans­hu­ma­nistes, en réa­li­té, n’ont besoin que de très peu d’humains à leur ser­vice.
Les trans­hu­ma­nistes sont des pro­gres­sistes ingé­nieux (et riches) qui vont au bout de leur logique scien­tiste et de leur hubris et qui en ont les moyens. Selon le concept évo­lu­tion­niste, la vie fonc­tionne sur le mode linéaire : un début, une fin. Elle com­mence par un big-bang pour l’univers, ou par la créa­tion pour l’Homme ; plus on avance dans la vie, plus on pro­gresse, mais plus on se dirige inévi­ta­ble­ment vers… la mort. Les « avan­cées », les « len­de­mains qui chantent », butent sur ce phé­no­mène natu­rel et qui parais­sait incon­tour­nable. Les trans­hu­ma­nistes ont réso­lu la contra­dic­tion majeure du concept pro­gres­siste, ou linéa­riste : puisqu’il y a une bar­rière qui empêche le pro­grès sans fin, sup­pri­mons la fin, la bar­rière, sup­pri­mons la mort : ce sera « la mort de la mort », selon le titre bien choi­si du livre de Laurent Alexandre, le repré­sen­tant de la mou­vance trans­hu­ma­niste en France.
Pour ce faire, les trans­hu­ma­nistes uti­li­se­ront les moyens de la tech­nos­cience, certes, mais aus­si toutes les tares dont ils ont héri­té de Prométhée : la vani­té, la ruse, le vol, le men­songe, la dis­si­mu­la­tion, la four­be­rie… en en ajou­tant bien d’autres : la mani­pu­la­tion (men­tale et géné­tique), l’ambition effré­née, l’endoctrinement des foules, la per­ver­sion… déviances qu’ils vont même éri­ger en sys­tème de type mafieux.
Evola disait « L’esprit tita­nique est inquiet, inven­tif, tou­jours en quête de quelque chose, avec son astuce et son flair. L’objet de l’esprit olym­pien, c’est le réel, ce qui est tel qu’il ne peut pas être autre­ment, l’être. L’objet de l’esprit tita­nique, c’est l’invention, même s’il s’agit uni­que­ment d’un men­songe bien construit(18)
Cette ingé­nio­si­té tita­nique qui a écla­té au XIXe siècle en Occident sous forme de décou­vertes tech­niques (la machine à vapeur : quel sym­bole d’inconsistance !) a fait croire aux Occidentaux qu’ils étaient deve­nus les maîtres de la pla­nète ; leur nou­velle foi dans la science et le pro­grès maté­riel leur a fait mépri­ser les socié­tés tra­di­tion­nelles ; ils ont cru que leur nou­veau pou­voir était illi­mi­té et qu’ils étaient capables, désor­mais, de rem­pla­cer Dieu. Le tita­nisme s’est trans­for­mé en sata­nisme après une longue sta­tion à la case « mono­théismes » ; car le trans­hu­ma­nisme pré­sente ce curieux aspect de s’être nour­ri des ori­gines du monde, cette période archaïque où leurs ancêtres, hommes ou titans, vivaient avant même l’apparition des divi­ni­tés, une époque où, enfan­tés par la Terre, les uns et les autres sor­taient à peine de la matrice chto­nienne, du chaos, des Enfers et, en même temps, de n’envisager leur propre futur que par la voie tech­nique et scien­ti­fique, fruit de l’inventivité humaine, pal­lia­tif obli­gé de leurs capa­ci­tés natu­relles confis­quées.
Tout au long de ce par­cours qui va des ori­gines à nos jours, quan­ti­té de sectes, d’événements et de per­son­nages étranges se sont suc­cé­dé, annon­çant cette volon­té de trans­gres­ser les lois divines, les lois de la nature et les lois des hommes jusqu’à cette totale inver­sion du bon sens et des valeurs à laquelle nous sommes aujourd’hui sou­mis par ces « élites » trans­hu­ma­nistes.
Selon Lucien Cerise, « Cette filia­tion illu­mi­niste et caba­liste du trans­hu­ma­nisme a façon­né le visage d’une moder­ni­té lar­ge­ment pla­cée sous le règne de la quan­ti­té et du nombre. Or, de l’imaginaire artis­tique aux sciences exactes, l’artificialisation du vivant et sa réduc­tion au quan­ti­ta­tif ne visent pas fran­che­ment à son éman­ci­pa­tion mais bien plu­tôt à sa sim­pli­fi­ca­tion, de sorte à en faci­li­ter la ges­tion ration­nelle, numé­rique, indus­trielle et stan­dar­di­sée.
Pour fabri­quer le consen­te­ment à cet appau­vris­se­ment de l’existence et de la bio­di­ver­si­té, ain­si qu’aux patho­lo­gies phy­siques et men­tales qui en résultent, des sommes colos­sales sont inves­ties dans tous les domaines de la socié­té pour y impul­ser des ten­dances socié­tales tech­no­philes et huma­no­phobes. Le trans­hu­ma­nisme n’est pas une émer­gence spon­ta­née, natu­relle. Il s’agit d’un pro­jet poli­tique arbi­traire sou­te­nu par des “mino­ri­tés agis­santes” et des réseaux de pou­voir dont il faut décryp­ter la logique pour com­prendre non pas à quoi elle sert, mais à qui elle sert(19)
Dans son livre(20), Laurent Alexandre nous pré­dit une révo­lu­tion tech­no­lo­gique notam­ment dans le domaine médi­cal, si radi­cale que la notion même de mort sera caduque dans les quelques dizaines d’années qui viennent. « Grâce aux révo­lu­tions conco­mi­tantes de la nano­tech­no­lo­gie et de la bio­lo­gie, chaque élé­ment de notre corps devien­dra répa­rable, en par­tie ou en tota­li­té, comme autant de pièces déta­chées. » Mais ces mer­veilleux pro­grès médi­caux ne seront acces­sibles qu’à ceux qui auront les moyens de les payer. Alexandre le dit lui-même : « Rien ne dit qu’une huma­ni­té aug­men­tée sera tolé­rante vis-à-vis des humains tra­di­tion­nels. […] La pos­sible tyran­nie de la mino­ri­té trans­hu­ma­niste doit être envi­sa­gée avec luci­di­té. »
Il faut com­prendre que les mêmes tech­niques qui per­met­tront de pro­lon­ger la vie des trans­hu­ma­nistes, voire de sup­pri­mer leur mort, seront uti­li­sées pour trans­for­mer « les humains tra­di­tion­nels » comme dit Alexandre, en popu­la­tions sou­mises ou en androïdes, ou les deux.
« Le trans­hu­ma­nisme », observe le phi­lo­sophe et poly­tech­ni­cien Jean-Pierre Dupuy(21), « est typi­que­ment l’idéologie d’un monde sans Dieu. […] En Europe, les phi­lo­sophes clas­siques ont ten­dance à haus­ser les épaules quand on évoque ce cou­rant trans­hu­ma­niste. […] En réa­li­té, le pro­jet trans­hu­ma­niste – il se qua­li­fie ain­si – ne relève plus du futu­risme ni du délire. […] Il ins­pire doré­na­vant des pro­grammes de recherche, la créa­tion d’universités spé­cia­li­sées et d’une mul­ti­tude de groupes mili­tants. Il influence une frange non négli­geable de l’administration fédé­rale amé­ri­caine et, donc, le pro­ces­sus de déci­sion poli­tique. Voilà près de dix ans que ledit pro­jet, pour ce qui le concerne, n’est plus can­ton­né dans le ciel des idées. Il génère l’apparition de lob­bies puis­sants. Les hypo­thèses qu’il pro­pose ne cessent d’essaimer dans les dif­fé­rentes dis­ci­plines du savoir uni­ver­si­taire. »

La Voie olympienne

Tout ce qui est arti­fi­ciel est super­fi­ciel, et tout ce qui est super­fi­ciel est éphé­mère. Pour cette rai­son, les trans­hu­ma­nistes n’arriveront jamais à leurs fins.
« Devant Zeus, le spec­ta­teur qui rit, l’éternelle race des hommes joue son éter­nelle comé­die humaine(22)», dit Evola.
Le choix qui a été fait au début des temps, celui que relève Julius Evola dans l’exergue de cet article, est tou­jours d’actualité ; le début du cycle res­semble comme deux gouttes d’eau à sa fin ; entre les deux, quelques mil­lé­naires se seront écou­lés, le vent aura souf­flé sur les grands déserts et les vagues, tou­jours renou­ve­lées et tou­jours les mêmes, n’auront jamais ces­sé d’agiter les mers et les océans. La Terre, elle aus­si, se rit des hommes.
Nous sommes à la fin de notre grand cycle ; les hommes de la Tradition l’ont bien com­pris ; à nou­veau se pose la ques­tion du choix, mais, cette fois, d’une manière plus accrue ; les Hommes, qui ont vou­lu la mort de Dieu, n’auraient même plus la pos­si­bi­li­té d’opter pour la Voie des Pères puisqu’ils seraient appe­lés à dis­pa­raître pure­ment et sim­ple­ment, une dis­pa­ri­tion pro­gram­mée par les héri­tiers de Prométhée.
Les grands pas­seurs de la Tradition, Julius Evola, René Guénon, Mircea Eliade et d’autres, nous ont tous dit que les Hommes qui n’avaient pas su, ou pu, conser­vé l’héritage olym­pien seraient inca­pables de com­prendre les évé­ne­ments qui ne sont même plus à venir mais qui se déroulent sous nos yeux, au grand effa­re­ment des plus lucides, ou dans l’indifférence et l’inconscience des plus nom­breux : « Eyes wide shut »(23). Ils nous ont aus­si appris que les hommes dif­fé­ren­ciés, selon la for­mule de Julius Evola, sont ceux qui n’ont jamais été dupes du monde qui nous est impo­sé, qui sont res­tés fidèles aux divi­ni­tés en ne fai­sant rien de plus que ce qui doit être fait pour pré­pa­rer le nou­veau cycle et en ayant su pré­ser­ver les valeurs de rec­ti­tude qui nous ont été léguées par les Dieux ; ces hommes et ces femmes ont eu bien du mérite qui ont su tra­ver­ser intacts toute cette période de mani­pu­la­tion des esprits que nous avons connu ces der­nières années(24).
Nous lais­se­rons le mot de la fin, opti­miste, à Julius Evola, qui sou­ligne que, quoi qu’il se passe, il est tou­jours lais­sé à l’Homme la pos­si­bi­li­té de bien pen­ser et, sur­tout, de bien agir : « L’orientation “olym­pienne” est pos­sible, tout autant que l’orientation pro­mé­théenne », dit Evola et il ajoute « Cette orien­ta­tion [olym­pienne] joue un rôle essen­tiel dans tout ce qui est vrai­ment aris­to­cra­tique, tan­dis que l’orientation pro­mé­théenne pos­sède un carac­tère fon­da­men­ta­le­ment plé­béien et ne peut connaître au mieux que le plai­sir de l’usurpation(25)

Pierre-Émile Blairon

L’Arc et la Massue, cha­pitre X, Le Rire des dieux, Éditions Trédaniel-Pardès

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C’est à l’aide de cet outil fort robuste que notre phi­lo­sophe s’emploie à détruire les fausses idoles ; « La phi­lo­so­phie à coups de mar­teau », c’est le sous-titre de son ouvrage : Le Crépuscule des Idoles.

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Nietzsche, dont Evola disait qu’il « était pour­tant lui-même, à plus d’un titre, une vic­time du mirage tita­nique » (L’Arc et la Massue)

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in Le Crépuscule des idoles.

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Terme qui a pour syno­nyme le « pro­grès », l’« avan­cée », le « déve­lop­pe­ment », autant de concepts creux dont se repaît l’homme moderne.

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Voir notre contri­bu­tion à l’ouvrage col­lec­tif Evola, phi­lo­so­pher of the sun, édi­té par Troy Southgate. Cette doxa dar­wi­niste a cepen­dant du plomb dans l’aile : des scien­ti­fiques émi­nents opèrent une révi­sion totale de leurs pré­ju­gés dar­wi­niens. Ainsi, le pro­fes­seur Didier Raoult, le célèbre viro­logue vio­lem­ment atta­qué par Big Pharma (lequel ne se pré­oc­cupe que de ses seuls inté­rêts finan­ciers), a écrit un livre, Dépasser Darwin, où il com­pare le dar­wi­nisme à une nou­velle reli­gion : « Le dar­wi­nisme a ces­sé d’être une théo­rie scien­ti­fique quand on a fait de Darwin un dieu. En intro­dui­sant après Lamarck la notion d’é­vo­lu­tion, Darwin est venu cham­bou­ler la concep­tion figée des créa­tion­nistes, qui pen­saient que le monde était stable depuis sa créa­tion. Mais, dès lors, il est deve­nu l’ob­jet d’un double mythe. Le mythe du dia­bo­lique pour les créa­tion­nistes, ceux qui pensent que tout s’est créé en une semaine, et le mythe des scien­tistes, qui font de « l’o­ri­gine des espèces » le nou­vel Évangile. » (In Le Point du 12.12.2011)

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De même que plus on est « moderne », donc d’apparition récente, et plus on est archaïque, déli­ques­cent, parce que plus éloi­gné de l’origine, de la source, qui est un renou­vel­le­ment – une fon­taine de Jouvence – per­ma­nent, puisque l’eau qui en sourd n’est jamais la même. Ceci vaut pour les civi­li­sa­tions, (comme l’Amérique, appe­lée aus­si le Nouveau Monde, qui est en fait le plus dégé­né­ré, car le plus loin de la source), ou pour les reli­gions (comme l’islam, qui est la der­nière reli­gion mono­théiste d’importance appa­rue dans l’univers reli­gieux et donc la plus éloi­gnée de la pure spi­ri­tua­li­té originelle.)

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Révolte contre le monde moderne

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Ibid.

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À l’heure où nous écri­vons, 22 juin 2023, nous appre­nons qu’un sous-marin de poche affré­té pour faire décou­vrir l’épave du Titanic à un groupe de richis­simes ama­teurs de sen­sa­tions fortes, a cou­lé avec ses pas­sa­gers à bord ; le sous-marin avait été mal­en­con­treu­se­ment dénom­mé : le Titan. Le concep­teur du Titanic, Thomas Andrews, a cou­lé avec son bateau, de même que le concep­teur du mini-sous-marin, Stockton Rush.
Il s’est pas­sé 111 ans entre les deux nau­frages ! 111 : le nombre du pôle, de l’Hyperborée, de la Tradition pri­mor­diale, nombre sym­bo­lique qui a été étu­dié par René Guénon dans son ouvrage Symboles de la Science sacrée paru en 1962 aux édi­tions NRF Gallimard, cha­pitre XV, page… 111, comme il se doit.

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Paul Diel, Le Symbolisme dans la mytho­lo­gie grecque, Payot

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Jean-Pierre Vernant, entre­tien du 28 mars 2002 avec Catherine Unger, archives de la Télévision suisse romande.

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Julius Evola, Métaphysique du sexe, édi­tions L’âge d’homme.

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Julius Evola, L’Arc et la massue.

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Ibid.

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Jean-Pierre Vernant, entre­tien du 28 mars 2002 avec Catherine Unger, archives de la Télévision suisse romande.

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François Flahaut, Le Crépuscule de Prométhée, édi­tions Mille et une nuits.

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L’Arc et la Massue, édi­tions Trédaniel-Pardès

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Lucien Cerise, Gouverner par le chaos, édi­tions Max Milo.

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Dr Laurent Alexandre, La mort de la mort, édi­tions Jean-Claude Lattès

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Jean-Pierre Dupuy, Pour un catas­tro­phisme éclai­ré, Quand l’im­pos­sible est cer­tain, Essais, édi­tions du Seuil, Paris, 2002.

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L’Arc et la Massue, édi­tions Trédaniel-Pardès

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Titre du der­nier film de Stanley Kubrick, Eyes wide shut. Difficilement tra­dui­sible mais tel­le­ment bien dit. Mot à mot : Les yeux grand fer­més, en rap­port aux yeux grand ouverts.Eyes wide shut -Stanley Kubrick

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René Guénon a été très expli­cite à ce sujet dans Le Règne de la quan­ti­té ; les évé­ne­ments à venir « ne pour­ront pas être com­pris par la géné­ra­li­té, mais seule­ment par le petit nombre de ceux qui seront des­ti­nés à pré­pa­rer, dans une mesure ou dans une autre, les germes du cycle futur. Il est à peine besoin de dire que, dans tout ce que nous expo­sons, c’est à ces der­niers que nous avons tou­jours enten­du nous adres­ser exclu­si­ve­ment, sans nous pré­oc­cu­per de l’inévitable incom­pré­hen­sion des autres ».

Lire éga­le­ment dans nos colonnes : Non vac­ci­nés : ces héros des temps modernes du 15 sep­tembre 2022.

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L’Arc et la Massue, édi­tions Trédaniel-Pardès

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Pierre-Émile Blairon est l’au­teur d’un cer­tain nombre de livres liés à l’Histoire, notam­ment de la Provence, de Nostradamus à Giono et à la fin du Cycle :

Pierre-Émile Blairon - Iceberg

Pierre-Émile Blairon - Chronique fin cycle - Enfers parodisiaques

Pierre-Émile Blairon - La roue et le sablier - Bagages pour franchir le gué

Pierre-Émile Blairon - Le messager des dieux

Pierre-Émile Blairon - Livre Tradition primordiale

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Pierre-Émile Blairon

1 commentaire

  1. Une véri­té toute pleine de sagesse pour ceux qui aiment la vraie vie.

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