Retour en Barbarie

La réac­tion aux atro­ci­tés com­mises par la branche armée du Hamas, ceux que les Israéliens appellent des « ani­maux humains », a été immé­diate et una­nime pour dénon­cer ces barbares.

Ce conflit loin­tain nous concerne, nous, Français, parce que nous accueillons tous les jours en France un nombre impor­tant de musul­mans, venus sou­vent de pays qui sou­tiennent la Palestine, dont la plu­part choi­si­ront le camp pales­ti­nien par soli­da­ri­té reli­gieuse et que cette prise de posi­tion risque de créer davan­tage de troubles s’il en était besoin ; de plus, nous pou­vons nous alar­mer de l’éventualité que, par­mi ces clan­des­tins, ont pu s’infiltrer des dji­ha­distes qui ont eu pour mis­sion d’opérer des atten­tats sur notre sol(1).

La stratégie de l’émotion

Je vais évo­quer dans cet article la dif­fé­rence de trai­te­ment média­tique en France, révé­lé par ce car­nage com­mis par ces ter­ro­ristes(2) contre d’innocents israé­liens, les enfants n’ayant pas été épar­gnés par cette sau­va­ge­rie, avec celui, tout aus­si cruel mais occul­té, endu­ré par les Français d’Algérie, chré­tiens, juifs ou musul­mans, vieillards, femmes et enfants com­pris, car­nage com­mis quo­ti­dien­ne­ment de 1954 à 1962 (et au-delà en ce qui concerne notam­ment les har­kis, musul­mans fidèles à la France) par les mêmes bar­bares, ou tout au moins leurs ini­tia­teurs, il y a 70 ans.
Les Pieds-Noirs, comme on nous a impro­pre­ment dési­gnés, n’étaient pas rom­pus à cette époque aux tech­niques de mani­pu­la­tion des masses dont se servent actuel­le­ment tous les poli­ti­ciens de tous les pays au monde selon leurs besoins et les cir­cons­tances. Israël dis­pose de relais impor­tants dans le monde grâce à la dia­spo­ra juive et a natu­rel­le­ment acti­vé ses réseaux média­tiques pour condam­ner l’agression du Hamas dont a été vic­time une par­tie du peuple israé­lien.
Le ter­ro­risme tel qu’il a été pra­ti­qué par le Hamas, et tel qu’il a été pra­ti­qué par le FLN algé­rien, fait aus­si par­tie de cette tech­nique de mani­pu­la­tion des masses qui s’appelle la stra­té­gie de l’émotion ; les fel­la­ghas, ain­si nom­més les ter­ro­ristes du FLN, s’en sont pris d’abord aux musul­mans pour les contraindre par la ter­reur (essen­tiel­le­ment la tor­ture et les muti­la­tions du visage – nez, lèvres, oreilles – bien visibles, pour faire des exemples) à s’éloigner de la com­mu­nau­té des Français d’Algérie et de toutes les struc­tures qui repré­sen­taient la France sous toutes ses formes, de telle manière à pro­vo­quer une rup­ture irré­ver­sible entre les deux com­mu­nau­tés ; il semble bien que c’est le même effet qui est éga­le­ment recher­ché dans cette opé­ra­tion en Israël.
Il est pro­bable que si les Français d’Algérie et la grande majo­ri­té des musul­mans fidèles à la France avaient su uti­li­ser cette même stra­té­gie de l’émotion – celle de la vic­time – sur le plan natio­nal et inter­na­tio­nal pour contrer celle de la ter­reur choi­sie par leurs enne­mis, une solu­tion aurait pu être trou­vée pour que que les deux com­mu­nau­tés puissent conti­nuer à vivre en bonne entente dans ce qui était leur pays, aux uns et aux autres. Ce qui est actuel­le­ment le même cas de figure pour la Palestine et pour Israël.
Qu’est-ce que la stra­té­gie de l’émotion ? Elle a été bien défi­nie par le site inter­net « Penser et agir(3) » : « Il s’agit d’une tech­nique de mani­pu­la­tion qui repose sur l’exploitation des émo­tions d’un indi­vi­du ou d’un groupe dans le but de para­ly­ser sa réflexion et éteindre son esprit cri­tique. Le contrôle émo­tion­nel sert à pous­ser une per­sonne ou un groupe de per­sonnes à réagir sous l’impulsion émo­tive plu­tôt que de rai­son­ner et d’agir devant une situa­tion. C’est un moyen pour atro­phier la facul­té d’analyse des indi­vi­dus et de la socié­té par le biais d’émotions que l’on veille avec soin à sus­ci­ter chez eux. De la sorte, on se charge d’affaiblir la capa­ci­té à cogi­ter de l’humain pour réduire toute son action au res­sen­ti.
La stra­té­gie de l’émotion est géné­ra­le­ment employée pour éta­blir un canal. Ce der­nier oblige la per­sonne à dépendre de l’influence exer­cée sur son incons­cient. Ainsi, toutes les émo­tions sont bonnes à éveiller tant qu’elles contri­buent devant des situa­tions à main­te­nir l’individu ou la masse dans une pro­fonde pas­si­vi­té réflexive.
L’objectif est de s’opposer à ce que les autres se fassent leur concep­tion propre de la réa­li­té. Il faut les empê­cher de mener des ana­lyses cri­tiques dénuées de toute émo­ti­vi­té sur les faits. C’est une tech­nique très pri­sée dans les domaines où les notions de liber­té de choi­sir, liber­té de pen­ser ou le libre arbitre posent pro­blème. Très concrè­te­ment, c’est la poli­tique et le mar­ke­ting qui y ont très sou­vent recours. »

1. L’horreur en Algérie

Les Français sont inter­ve­nus, entre autres rai­sons, en Algérie avec l’aval des prin­ci­paux États euro­péens (sauf le Royaume uni) pour faire ces­ser les raz­zias per­pé­trées en Méditerranée par les bar­ba­resques à l’encontre des popu­la­tions côtières euro­péennes et des équi­pages des vais­seaux qui navi­guaient en Méditerranée ; les unes et les autres étaient emme­nés en cap­ti­vi­té sous le sta­tut d’esclave et ceux qui avaient de l’argent étaient libé­rés sous ran­çon, comme ce fut le cas, par exemple, de l’é­cri­vain espa­gnol Cervantès. On a pu dénom­brer 1 250 000 cap­tifs entre le 16e et le 19e siècle alors que ces raz­zias ont débu­té au 9e siècle.Bernard Lugan - Esclavage - Histoire endroit

On ne peut ima­gi­ner les misères subies par ces cap­tifs, tout au moins ceux qui ont sur­vé­cu, tout au long de ces siècles. Ces pirates avaient leurs bases prin­ci­pa­le­ment sur les côtes de Barbarie, ain­si nom­mé le Maghreb avant la paci­fi­ca­tion fran­çaise qui a ensuite don­né un nom à cha­cun des pays le com­po­sant (Maroc, Algérie, Tunisie). Le nom de la Libye, pays qui fait éga­le­ment par­tie du Maghreb, pro­vient de celui d’une tri­bu ber­bère appe­lée Libou qui a don­né en grec ancien Libyè.
L’actuelle « Algérie », ain­si dénom­mée par la France peu après la conquête, était alors sous domi­na­tion turque. Les Français ont déri­vé son nom de sa prin­ci­pale ville, Alger, tout comme le nom du Maroc est déri­vé de Marrakech, et la Tunisie de Tunis.
À l’arrivée des Français en 1830, les indi­gènes (chro­no­lo­gi­que­ment Kabyles, puis enva­his­seurs Arabes et Turcs) étaient au nombre de 3 500 000 en Algérie ; au départ des Français en 1962, ils étaient 10 000 000, comme le sou­li­gnait le Bachaga Boualem dans son livre Mon pays, la France.Bachaga Boualem - Mon pays, la France

Je suis né moi aus­si, sur les côtes de Barbarie, à Oran, des­cen­dant d’un sol­dat belge ori­gi­naire de Binche, enga­gé en 1831 dans la Légion étran­gère qui venait à peine d’être consti­tuée.
Lorsque les rebelles sont appa­rus en 1954, se reven­di­quant d’un « natio­na­lisme algé­rien », curieux cock­tail de mar­xisme et d’islamisme, ils n’ont trou­vé d’autre moyen de se mani­fes­ter que par la ter­reur – qui est le recours de ceux qui n’ont pas de légi­ti­mi­té pour s’imposer – qu’ils vont exer­cer contre leurs propres core­li­gion­naires musul­mans d’abord et les Français d’Algérie, ensuite, consi­dé­rés comme « l’occupant ». Commence alors une série d’horreurs qui ne s’arrêtera que bien après l’indépendance, puisque nombre de civils pieds-noirs et de sol­dats enle­vés ont ser­vi de tra­vailleurs dans des mines ou d’esclaves sexuelles pour les femmes pen­dant de longues années dans les « centre de repos » du FLN.

Jean-Leon-Gerome - Le marché aux esclaves - vers1866

Jean-Léon Gérôme – Le mar­ché aux esclaves – vers1866

Quelques exemples qui aident à com­prendre l’état d’esprit de ces barbares.

Le mas­sacre d’El-Halia, 20 août 1955

« À 22 kilo­mètres à l’est de Philippeville se trou­vait une mine iso­lée où l’on exploi­tait du sul­fure de fer. Elle avait été choi­sie comme une des cibles du FLN. A El-Halia, deux mille musul­mans coha­bi­taient avec cent trente Européens. […] Pourtant, Zighoud Youssef, chef local du FLN, avait don­né comme consigne de tuer tous les civils euro­péens, et de les tuer avec toute la cruau­té pos­sible. De ces exac­tions, il escomp­tait que les Français, frap­pés de stu­peur et ter­ro­ri­sés, déclenchent une répres­sion sans pré­cé­dent qui sou­de­rait défi­ni­ti­ve­ment la popu­la­tion musul­mane contre les pieds-noirs et sen­si­bi­li­se­rait l’opinion inter­na­tio­nale. […] Deux ouvriers pieds-noirs de la mine par­vinrent à s’échapper et arri­vèrent hors d’haleine, au camp de Péhau. Ils criaient et disaient en pleu­rant que des hommes tuaient avec une féro­ci­té inouie, qu’ils s’étaient empa­rés des bébés pour les écra­ser contre les murs, qu’ils étri­paient les femmes de tous âges après les avoir vio­lées. (…) « J’ai pris un homme pour l’interroger moi-même. C’était un contre­maître musul­man qui avait assas­si­né la famille d’un de ses ouvriers français4. « Mais pour­quoi tu les as tués, bor­del de Dieu, ils ne t’avaient rien fait ! Comment tu as pu tuer des bébés ? – On m’avait dit que je ne ris­quais rien. – Tu ne ris­quais rien ? Comment ça ? – Hier, il y a un repré­sen­tant du FLN qui est venu nous trou­ver. Il nous a dit que les Egyptiens et les Américains débar­quaient aujourd’hui pour nous aider. Il a dit qu’il fal­lait tuer tous les Français, qu’on ne ris­quait rien. Alors j’ai tué ceux que j’ai trou­vés. Je lui ai répon­du en arabe : « Je ne sais pas ce qu’Allah pense de ce que tu as fait, mais main­te­nant tu vas aller t’expliquer avec lui. » (Paul Aussaresses)

L’embuscade de Palestro, 18 mai 1956

Historia n°343, rap­por­té par Raphaël Delpard5 : « Deux cadavres muti­lés gisent dans les buis­sons. Les yeux sont cre­vés, les corps vidés de leurs entrailles et bour­rés de cailloux. Les tes­ti­cules ont été cou­pés. Les pieds dépouillés de leurs chaus­sures sont zébrés de coups de cou­teau ». Evidemment, ces tor­tures ont été per­pé­trées du vivant des sup­pli­ciés, sinon, quel inté­rêt pour ces déments ?

Le mas­sacre du 5 juillet à Oran

« Une 403 arri­va, un jeune homme et sa fian­cée furent sor­tis de la voi­ture et on leur a cou­pé une oreille, le jeune homme disait : « Tuez-moi, mais lais­sez ma fian­cée, je vous don­ne­rai tout ce que vous vou­drez » mais on a tué la fian­cée, puis lui, une femme a appor­té un bol pour boire le sang ; c’était ma voi­sine dont on avait tué le fils. Puis un mil­lion­naire (sic) et d’autres, on leur a enle­vé le pouce, et tout le monde avait des pouces col­lés, cloués contre la porte ; à chaque Européen qu’on ame­nait, on leur enle­vait le pouce (…) Il y avait une femme enceinte, d’un coup de cou­teau, on lui a ouvert le ventre, le bébé est tom­bé par terre7. »
« Les Mauresques avaient des cou­teaux ; ça s’est déclen­ché si vite ! On en a vu éven­trer des femmes dans les maga­sins, leur arra­cher les yeux et leur cou­per les seins8. »

Les pri­son­niers
Je choi­sis ce der­nier extrait pour mon­trer que les bour­reaux ne sont pas que des brutes épaisses sans édu­ca­tion, mais que ce besoin de faire le mal est inhé­rent à toute la hié­rar­chie du FLN jusqu’au plus haut sommet.

« Un jour, branle-bas de com­bat : on annonce la visite d’un ministre du gou­ver­ne­ment algé­rien. – Que venait-il faire ? – Je ne l’ai pas su. – Le ministre est arri­vé en cos­tume cra­vate ? – Non, il était en tenue kaki. Je me repo­sais. Il m’a balan­cé un coup de pied dans la figure. Je ne l’ai jamais oublié, celui-là. Pour sa deuxième ten­ta­tive d’évasion, Aussignac choi­sit un autre stra­ta­gème. Il se coule sous un wagon­net. – Ce à quoi je n’avais pas pen­sé, c’est que le cha­riot, en arri­vant devant le concas­seur, devait se ren­ver­ser. Les gar­diens m’ont aus­si­tôt repé­ré. – […] – La sanc­tion a dû être ter­rible… – Ils m’ont atta­ché les jambes, et ils ont tapé comme des sourds pen­dant des heures. Jugeant que ce n’était pas suf­fi­sant, ils m’ont arra­ché les ongles des orteils. Le pre­mier ongle, je l’ai sen­ti. Pour le second, je me suis éva­noui. Mais ce n’était pas ter­mi­né. Ils m’ont tapé sur les che­villes jusqu’à faire écla­ter les os9. »

Les sal­tim­banques ne se sentent plus de limites quand ils savent qu’ils sont dans le camp du Bien. C’est-à-dire (pour une fois) una­ni­me­ment applau­dis. C’est ain­si que le chan­teur Enrico Macias, ori­gi­naire d’Algérie, comme cha­cun sait ne serait-ce que pour l’avoir enten­du, s’est cru auto­ri­sé à dire qu’il fal­lait « dégom­mer phy­si­que­ment » les membres de LFI parce qu’ils sou­te­naient les Palestiniens. Non que je défende ces gens pour les­quels je n’ai aucune sym­pa­thie mais il n’est pas décent de s’exprimer de cette manière hys­té­rique. Va-t-il être pour­sui­vi pour inci­ta­tion à la haine ou pour menace de mort ?
Enrico Macias est né, comme moi, en Barbarie ; il y est inter­dit d’accès mais il ne rêve que d’y retour­ner. Pas moi.

Pierre-Émile Blairon

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Pierre-Émile Blairon

Pierre-Émile Blairon est l’auteur d’un cer­tain nombre de livres liés à l’Histoire, notam­ment de la Provence, de Nostradamus à Giono et à la fin du Cycle :