Festival international des Motards du Mali : avec ou sans la communauté internationale, la vie continue
Ces 25 et 26 novembre s’est tenue la sixième édition annuelle du « Festival des Motards du Mali »(1) (FMM).
Dans un contexte de guerre civile et de menace terroriste, l’événement peut paraitre surréaliste pour un observateur éloigné, abreuvé de nouvelles manichéennes et tragiques triées et martelées par des médias contrôlés. Le lecteur est invité à un effort d’ouverture d’esprit pour ne pas transposer des considérations sociales et environnementales qui, souvent teintées de tiers-mondisme dépassé et de paternalisme déplacé, sont ici hors sujet.
Ce festival a été l’occasion, une fois de plus, de démontrer que les peuples d’Afrique de l’ouest et du Sahel, de la Mauritanie au Nigeria, s’intègrent naturellement, dignement et pacifiquement par la base des communautés humaines – société civile et secteur privé. Plus concrètement, solidement et durablement(2) que par le sommet politique changeant, le jeu diplomatique mouvant et le secteur public déficient, mis en scène par leur canal médiatique conciliant.
L’occasion aussi de vérifier que « la vie continue » même en situation d’isolement imposé par la communauté internationale, avec ou sans elle, dix-huit mois après le retrait du Mali du G5 Sahel(3) suivi il y a quinze mois par le départ des troupes françaises de la Force Barkhane(4), puis de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA), en cours d’achèvement(5). Pour le meilleur et pour le pire, mais en autonomie, avec les ressources locales de communautés autochtones liées par une même langue maternelle, le bambara, ciment d’unité nationale dans la diversité, et reliées aux mêmes ethnies d’outre-frontière.
Comme nous en avions déjà témoigné ici(6), ce phénomène sociétal et apolitique récent de « transhumance mécanique » de motards de tous milieux socio-culturels et religieux vers les capitales africaines, s’étend à l’échelle continentale. Favorisé par le « tam-tam » moderne des réseaux numériques, il est un vecteur dynamique et pacifique de cohésion sociale où chacun exprime fièrement son identité culturelle tout en respectant celle des autres, en particulier celle des hôtes. Lors de rencontres chaleureuses et sincères, le partage d’actions sociales et de moments festifs tisse des liens profonds et solides entre motards et avec les populations locales, attirées par ce spectacle bigarré et vrombissant.
C’est ainsi que nous sommes des centaines à avoir convergé par la route vers Bamako depuis toute l’Afrique de l’ouest. Contre « vents et marées » politiques et sécuritaires, alors que des affrontements armés opposent des forces irrédentistes gouvernementales, séparatistes touaregs et islamistes conquérantes. Un véritable acte de foi et non de défi, d’optimisme sans angélisme pour partager la joie simple et communicative de se retrouver, d’échanger les nouvelles et de célébrer les valeurs saines de « l’esprit motard » fait de solidarité et de fraternité, de maitrise de soi et de respect d’autrui. Un esprit de communion fraternelle a ainsi réuni des milliers de personnes de bonne volonté, dont trois cascadeurs français invités, venus enflammer l’ambiance par des figures époustouflantes.
Car, ici comme dans d’autres pays de la région également en phase d’émancipation souveraine et de transition politique (Burkina Faso, Niger, Gabon), la population et le gouvernement distinguent nettement la personne du président Macron dont ils rejettent l’arrogance et la suffisance et méprisent son abandon des valeurs profondes de la France au profit d’un mondialo-progressisme hostile aux cultures locales ; de l’État français, qui mène sous sa houlette une politique africaine incohérente, repentante et perdante ; enfin, des ressortissants français toujours bienvenus tant qu’ils respectent les us-et-coutumes locaux et contribuent à la vie locale. La sagesse populaire sait distinguer qui fait partie de ses problèmes, qui de leur solution.
Comme d’autres aspects méconnus ou négligés de la vie quotidienne locale qui en constituent pourtant la réalité, le « phénomène motard » est ignoré par les médias publics ou subventionnés, car il brouille la grille de lecture simpliste habituelle qui condamne à l’isolement, aux sanctions et au marasme socio-économique propice au terrorisme, les pays africains réticents à la soumission à la communauté internationale : chantage financier conditionné à l’alignement docile à la politique étrangère (par le vote aux Nations Unies) et à un modèle wokiste de société dictés par les États-Unis, moratoire et annulation des dettes, accès facilité à l’argent international, etc.
En Afrique, le mouvement populaire d’adhésion volontaire sans adhérence forcée à ces Printemps africains, se distingue de celui, par adhérence volontaire sans adhésion spontanée, des populations européennes résignées à la prise de contrôle public de leur vie privée sous la pression de menaces chimériques. Par le contrôle social de régimes totalitaires d’un nouveau genre.
Pendant ce temps, la « Zone de libre-échange continentale africaine » (ZLECAF)(7) votée par l’Union africaine (UA) en 2012, célébrée par une communauté internationale complaisante comme une avancée majeure, reste lettre morte. Sacrifié aux égoïsmes nationaux et à la cupidité d’acteurs locaux, ce grand projet transfrontalier est suspendu à l’enfer bureaucratique et à la corruption publique que subissent les populations et toutes personnes vivant au régime commun, sans passe-droit.
Tout cela était résumé par un motard malien unanimement apprécié, entrepreneur en bâtiment, décédé récemment. Koro Dia – Paix à son âme -, répétait avec bon sens et conviction que, comme toute fondation, l’intégration (qui ne signifie pas, ici, dissolution) se construit par la base, non par le sommet. Une parole sage qui pourrait être rappelée aux peuples européens soumis aux diktats d’une technostructure européenne hostile aux nations.
Respect et courage aux populations, et longue vie aux motards africains, champions de l’intégration transfrontalière pacifique !
Jean-Michel Lavoizard
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Jean-Michel Lavoizard est le dirigeant-fondateur de la société ARIS – Advanced Research & Intelligence Services.
Jean-Michel Lavoizard publie également sur Boulevard Voltaire.
Bravo et merci, moi qui suis blanc, amoureux de l’Afrique Noire dans laquelle j’ai travaillé (dans 15 États de l’Afrique occidentale, équatoriale et centrale) et habité (2 ans en Côte d’Ivoire), je reconnais là le vrai message africain. Cela me rappelle votre attitude face au Covid auquel vous avez su résister sans l’aide de la communauté internationale, mais grâce à votre Bon Sens légendaire. J’ai une seule question : comment expliquez-vous que les Africains qui arrivent chez nous en nombre n’aient pas votre belle philosophie de vie ?