Le Parlement européen traite la Russie « d’État promoteur du terrorisme » : manichéisme à l’américaine ou diversion de scandales internes ?

par | 25 novembre 2022 | 2 Commentaires 

Ce 23 novembre, le Parlement euro­péen a adop­té à une large majo­ri­té (494 voix pour, 58 contre et 44 abs­ten­tions), une réso­lu­tion qua­li­fiant la Fédération de Russie « d’État sou­te­nant le ter­ro­risme » [source]. Historique ou hys­té­rique, elle exprime clai­re­ment la volon­té de pro­vo­quer des réac­tions sus­cep­tibles de for­cer un pro­ces­sus diplo­ma­tique blo­qué. Ou de faire diversion.

Neuf mois après le début des hos­ti­li­tés en Ukraine, le pro­cé­dé et le moment ne sont évi­dem­ment pas le fruit du hasard. Car l’hiver approche, qui risque de geler des com­bats que la presse domi­nante et des experts de pla­teau au ton assu­ré, dont cer­tains, ota­ni­sés voire stock­hol­mi­sés — mais aus­si peu infor­més de la situa­tion réelle que vous et moi —, et qu’ils ont pour­tant maintes fois pro­cla­més per­dus pour « l’ours russe », dont la peau a été pré­ma­tu­ré­ment ven­due. Prescience ou nes­cience, en atten­dant la pro­pa­gande conti­nue de battre son plein de part et d’autre, relayée par les médias de régime.

Cette condam­na­tion très grave crispe davan­tage, si c’est pos­sible, la rela­tion entre les bel­li­gé­rants du conflit en Ukraine, Russes et Ukrainiens en pre­mier lieu. Mais aus­si la posi­tion des par­ties pre­nantes étran­gères plus ou moins décla­rées, prin­ci­pa­le­ment occi­den­tales dont la France, impli­quées de fait comme « cobel­li­gé­rantes » en appui de l’Ukraine par la four­ni­ture d’armements, de maté­riels et d’équipements, de conseillers et de troupes à por­tée de fusil. On se demande d’ailleurs jusqu’où tien­dra l’ambiguïté et l’impunité du terme « cobel­li­gé­rant », qui ne trompe que les appa­rences, terme com­mode pour faire la guerre sans la déclarer.

Or, un point de non-retour géopolitique semble avoir été franchi dans les déclarations et les sanctions

Avant la fin consta­tée des com­bats et quelle qu’en soit l’issue réelle, on connait déjà d’irrémédiables vic­times col­la­té­rales de sanc­tions inter­na­tio­nales contre­pro­duc­tives, popu­la­tion fran­çaise en pre­mier lieu, que le temps qui passe enfonce plus lour­de­ment dans les dif­fi­cul­tés éco­no­miques et la dépen­dance ota­nienne. De même qu’on en connait les prin­ci­paux béné­fi­ciaires pour qui le temps joue en leur faveur, leur com­man­dant en chef états-unien en tête.

Âne démocrate - Éléphant républicainCe nou­veau pas réso­lu vers un mani­chéisme à l’américaine tein­té d’économie autant que d’idéologie, s’aligne sur la dia­lec­tique néo-conser­va­trice reprise indif­fé­rem­ment par les « élé­phants répu­bli­cains » et les « ânes démo­crates » depuis des décen­nies, car insuf­flée par le tout puis­sant et apo­li­tique com­plexe mili­ta­ro-indus­triel : com­bat du Bien contre le Mal, Axe du Mal, États-voyous. La machine éco­no­mique amé­ri­caine est tou­jours gagnante de ces conflits pro­gram­més qui mettent en scène les « salons de l’armement » les plus spec­ta­cu­laires et ren­tables, par la démons­tra­tion de puis­sance en direct de ses maté­riels, et par la mise sous dépen­dance de nou­veaux pays-clients se réfu­giant sous le « para­pluie amé­ri­cain bien­veillant ».

Le texte voté [source], reprise fidèle de ce que les médias publics domi­nants nous assènent quo­ti­dien­ne­ment sans nuances, condamne « le joug du régime dic­ta­to­rial de Vladimir Poutine », pour­tant élu et lar­ge­ment sou­te­nu par son peuple. Il « invite l’Union euro­péenne et ses États membres à mettre en place un cadre juri­dique euro­péen per­met­tant de décla­rer des États “sou­tiens du ter­ro­risme”, dis­po­si­tif qui expo­se­rait les pays concer­nés à une bat­te­rie de lourdes mesures res­tric­tives et qui aurait pour effet de limi­ter de manière impor­tante les rela­tions de l’Union avec les­dits pays ». Il demande plus par­ti­cu­liè­re­ment « au Conseil d’envisager, une fois cela fait, d’inscrire la Fédération de Russie sur ladite liste de l’Union des États qui sou­tiennent le ter­ro­risme ».

Coïncidence, cette charge euro­péenne offre une diver­sion oppor­tune des scan­dales internes récem­ment dévoi­lés de cor­rup­tion et de conflits d’intérêts, qui impliquent les plus hautes ins­tances de l’Union euro­péenne dans le domaine de la san­té publique, du covid-busi­ness en particulier.

Pour qui vou­drait prendre en compte la pers­pec­tive russe et sor­tir des cli­chés média-poli­ti­sés, des ouvrages comme « Un Russe nom­mé Poutine », d’Héléna Perroud, et le roman hyper­réa­liste « Le mage du Kremlin », de Giuliano da Empoli, Grand prix du roman de l’Académie fran­çaise 2022, sont inté­res­sants et éclairants.

Jean-Michel Lavoizard

Livre - Russe nommé Poutine - Héléna Perroud Livre - Mage Kremlin - Giuliano da Empoli

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Jean-Michel Lavoizard


Aris - Jean-Michel LavoizardJean-Michel Lavoizard est le diri­geant-fon­da­teur de la socié­té ARIS – Advanced Research & Intelligence Services.

[NDLR] L’Europe de Bruxelles qui pra­tique le ter­ro­risme sous dif­fé­rentes formes, notam­ment le ter­ro­risme sani­taire, use et abuse de l’inver­sion accu­sa­toire. Nos lec­teurs se repor­te­ront à notre article du 3 novembre 2022, inti­tu­lé De l’inversion accu­sa­toire.

Complément d’in­for­ma­tion du 30 novembre 2022 :

Les États-Unis ont refusé d’inclure la Russie dans leur liste de pays parrainant le terrorisme.

Le repré­sen­tant per­ma­nent du pays auprès de l’or­ga­ni­sa­tion pour la sécu­ri­té et la coopé­ra­tion en Europe (OSCE) a fait une décla­ra­tion le 29 novembre. Selon lui, une inclu­sion pour­rait entra­ver la tran­sac­tion céréalière.

Une fois encore, la com­mis­sion euro­péenne, sous influence amé­ri­caine, sou­mise à une véri­table hys­té­rie rus­so­phobe, fait du zèle en se mon­trant plus roya­liste que le roi, plus amé­ri­caine encore que les Américains.

L’Europe s’ex­clut ain­si de toute future négo­cia­tion de paix. Cette Europe est une véri­table catas­trophe pour les Européens.

2 Commentaires 

  1. Les poli­tiques de tout poil ne nous repré­sentent plus car ils sont à la solde de la finance.

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  2. Ce que le pré­sident de l’UKRAINE ne voit pas ou il le fait exprès, c’est qu’il s’est fait prendre entre le mar­teau et l’en­clume. Plus il bouge, plus sa popu­la­tion MEURT.

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