Résidence fermée

par | 14 sep­tembre 2023 | 2 Commentaires 

Les Français se bar­ri­cadentQuand les fron­tières tombent et ne pro­tègent plus, quand la police baisse les bras, les habi­tants se confinent entre des murs d’en­ceinte. Le Vivre-Ensemble est une chimère.

Témoignage de Gersende B.

Tous les matins, je vais faire une heure de marche spor­tive pour démar­rer la jour­née. En ce moment, je suis à Uzès, encore pour quelques jours et en fai­sant mon grand tour mati­nal de la ville, bien en dehors du centre his­to­rique, j’ai remar­qué la pro­li­fé­ra­tion de « gated com­mu­ni­ties »(1). J’en ai dénom­bré une bonne dizaine, ce qui est beau­coup pour une petite ville de 8 000 habi­tants. Et il y en a encore au moins deux autres en pro­jet.
Je m’in­ter­roge.
Pourquoi aller s’en­fer­mer dans ce genre de com­plexes quand l’in­sé­cu­ri­té ne le jus­ti­fie abso­lu­ment pas. Uzès est très tran­quille. Ce ne sont pas les très riches qui vont se cloî­trer là-dedans, ils ont des grandes pro­prié­tés dis­si­mu­lées dans des parcs de plu­sieurs hec­tares ou des hôtels par­ti­cu­liers dans le centre his­to­rique. C’est plu­tôt la classe moyenne supé­rieure qui prise ce genre de pri­son choi­sie, cal­quée sur le modèle de la ban­lieue pro­prette à l’a­mé­ri­caine. Je parle de pri­son parce que tu ne peux pas y invi­ter qui tu veux à l’im­pro­viste, tes enfants n’ont pas le droit d’y jouer dehors parce que ce sont des nui­sances sonores, tu ne peux même pas repeindre tes volets de la cou­leur que tu veux ou plan­ter un arbuste dans ton jar­din car contraire au règle­ment inté­rieur. On me dit que les « gated com­mu­ni­ties » pro­li­fèrent aus­si sur la Côte d’Azur(2) ou dans le Luberon voi­sin.
On assiste donc aus­si dans les petites villes et les vil­lages à la même séces­sion de la bour­geoi­sie aisée que l’on observe déjà dans les grands centres urbains, où la bour­geoi­sie s’ac­ca­pare les centres villes en relé­guant les pauvres et les petites classes moyennes en voie de pau­pé­ri­sa­tion accé­lé­rée de plus en plus loin. Phénomène qui va s’ag­gra­ver en ville avec les mesures cli­ma­tiques pré­vues d’in­ter­dic­tion des voi­tures et la déshé­rence des trans­ports en com­mun.
On avance de plus en plus vers une dys­to­pie cyber­punk avec des ghet­tos riches ultra sécu­ri­sés à coup de drones, de camé­ras, voire de passes bio­mé­triques (le dis­po­si­tif de sécu­ri­té des JO à Paris en sera l’ex­pé­ri­men­ta­tion avant sa géné­ra­li­sa­tion à tous les grands centres urbains), iso­lés de marges de plus en plus pau­pé­ri­sées, où l’on sur­vi­vra de petits tra­fics et de débrouille, avec des écoles de merde et des hôpi­taux en ruine et où de temps en temps, on enver­ra la police répri­mer très dure­ment des émeutes de la faim…

Les rési­dences fer­mées fleu­rissent en France, comme dans le reste de ce monde que la « mon­dia­li­sa­tion heu­reuse » ne pro­tège pas.

Résidences fermées France

Déjà en 2007, la résis­tance s’organisait

Les copro­prié­tés qui ne peuvent pas de trans­for­mer en Résidence fer­mée, se dotent de por­tails avec digi­code et camé­ras de contrôle.

Gated com­mu­ni­ties aux États-Unis, condo­mi­nio au Brésil. Même en Chine pour les plus riches des com­mu­nistes… C’est une ten­dance géné­rale mon­diale et la France est juste en retard sur ce phé­no­mène géné­ral de repli com­mu­nau­taire. Mais grâce à Macron, nous rat­tra­pons notre retard.

Brésil condominio

De « belles » images sont visibles sur le site de National Geographic.

Beaucoup de films d’an­ti­ci­pa­tion traitent de ce sujet : une com­mu­nau­té d’ul­tra riches qui vivant en vase clos. Tout autour, c’est un bidon­ville géant. Postes de cer­bères, vigiles à ber­ger alle­mand, bar­rières, murs d’en­ceinte sur­veillés par vidéo. Les mira­dors se font discrets,mais ils sont sou­vent là. Il ne manque qu’un no man’s land avec mines et pièges à loups. À l’in­té­rieur : club house, ten­nis, pis­cine, golf, aire de jeux, sou­vent une supé­rette, un cabi­net médi­cal, un kiosque, un héli­port pour les plus belles rési­dences. Tout pour vivre entre soi en autarcie.

À chaque fois qu’on nous serine avec le « Vivre-Ensemble », une nou­velle rési­dence fer­mée sort de terre.

Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés.

Michel Lebon

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Michel Lebon

Cette expres­sion nous vient d’Outre-Atlantique où ce mode d’ha­bi­tat est très répan­du.
« Gated com­mu­ni­ties » est sou­vent tra­duit par quar­tier rési­den­tiel fer­mé.
Une rési­dence fer­mée se pré­sente sous la forme d’un regrou­pe­ment de demeures, entou­ré par un mur ou un grillage et dis­po­sant d’é­qui­pe­ments de pro­tec­tion — vidéo­sur­veillance, gar­dien­nage — qui l’i­solent du tis­su urbain envi­ron­nant.
Notre illus­tra­tion à la une est la maquette d’un pro­jet immo­bi­lier Kaufman&Broad à Six-Fours-les-Plages.

Q

La ville de Marseille est pion­nière en la matière. En 2015 elle comp­tait déjà 1 500 rési­dences fermées :

[source]

Toutes les réa­li­sa­tions immo­bi­lières d’en­ver­gure ont adop­té ce modèle rési­den­tiel fer­mé. Citons par exemple : Super Cannes, Port la Galère à Théoule, Les Bois Murés à Grasse, Les Hauts de Vaugrenier et bien d’autres.

Q

2 Commentaires 

  1. Dans le même esprit, c’est plus court et très simple, Monsieur Lebon : « vivre ensemble », il faut choi­sir entre les deux. J’ai moi aus­si une pré­fé­rence pour la pre­mière solution.

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  2. quel beau futur !

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