Mais que fait le CSA ?

12 novembre 2021 | 1 com­men­taire

Tel Jupiter des­cen­du de l’Olympe pour pro­di­guer ses oracles, Emmanuel Macron s’est adres­sé aux Français, mar­di der­nier le 9 novembre 2021 depuis le palais de l’Élysée, avec le ton grave qu’on lui connaît en la cir­cons­tance. Qu’avait-il de si impor­tant à dire qui jus­ti­fiât cette appa­ri­tion solennelle ?

D’abord, nous faire son sem­pi­ter­nel point sur la situa­tion de l’épidémie de Covid-19 et annon­cer la péren­ni­sa­tion des mesures de res­tric­tion de liber­té. Au pré­texte d’une cin­quième vague annon­cée, il a enjoint les six mil­lions de Français non encore vac­ci­nés de s’y résoudre au plus vite, rap­pe­lant le slo­gan men­son­ger affir­mant qu’il y a onze fois moins de chance de finir à l’hôpital quand on est vac­ci­né. Et, dans la fou­lée, il a annon­cé la néces­si­té d’une troi­sième dose contre­di­sant de fait son ministre de la Santé qui avait décla­ré, quelques semaines aupa­ra­vant, que celle-ci n’aurait aucune inci­dence sur le passe sani­taire. Le pre­mier qui dit la véri­té, il doit être exé­cu­té, chan­tait Guy Béart… Pour sûr, nos deux lar­rons auront une vie longue !

Ces annonces auraient logi­que­ment dû être pré­sen­tées par le Premier ministre, Jean Castex, mais en « monar­chie pré­si­den­tielle », l’occasion était trop belle pour Emmanuel Macron de se mettre en scène. Car l’objet essen­tiel de cette prise de parole était ailleurs : il s’agissait de pour­suivre sa cam­pagne élec­to­rale sans se décla­rer offi­ciel­le­ment. Passé les quelques huit minutes à nous seri­ner avec la crise sani­taire, on a vu le Président ver­ser tota­le­ment dans la harangue de cam­pagne pour vingt longues minutes. Le can­di­dat Macron s’est ain­si mis a égrai­ner, sans aucune contra­dic­tion pos­sible, son cha­pe­let de satis­fé­cits. La France n’a pas démé­ri­té dans la course aux vac­cins, elle a pré­fé­ré miser sur la recherche de trai­te­ments. « Le gou­ver­ne­ment – com­prendre “lui-même” – s’est atta­ché à pro­té­ger tout le monde, nos enfants, nos jeunes, les plus pré­caires, nos artistes, nos entre­pre­neurs… ». Il a « inves­ti dans la san­té » comme « jamais, depuis la créa­tion de la Sécurité sociale ». Les soi­gnants qui souffrent de condi­tions de tra­vail déplo­rables ont appré­cié. Le « quoi qu’il en coûte » (100 mil­liards dis­tri­bués), ce n’est pas de la dette… Même si « notre situa­tion éco­no­mique reste à conso­li­der » – Qu’en termes élé­gants ces choses-là sont dites – et au final, « Nous sommes l’un des seuls pays du monde où le pou­voir d’achat a conti­nué à pro­gres­ser en moyenne et ou la pau­vre­té n’a pas aug­men­té. » Les Gilets Jaunes s’en étouffent encore.

Ça, c’était l’argumentaire prin­ci­pal, celui sur lequel il mise pour asseoir sa réélec­tion. Son atout majeur. Sera-t-il gagnant ? Les son­dages semblent l’assurer mais rien n’est encore joué à six mois du scru­tin. Quant à son pro­gramme, Macron a soi­gneu­se­ment évi­té les sujets qui sont au centre de la cam­pagne depuis que le polé­miste Éric Zemmour s’est lan­cé dans la bataille : rien sur l’immigration, le com­mu­nau­ta­risme, l’islamisme et l’insécurité ! Pas davan­tage d’allusion au déla­bre­ment du niveau sco­laire et du sys­tème éducatif.

En revanche, Macron a mar­te­lé le mot « tra­vail ». Il a dit viser le plein-emploi et assu­ré que, depuis le début de son man­dat, « le tra­vail paye mieux ». Là encore, les Gilets Jaunes se sont étran­glés. Dans sa grande lâche­té, il a décla­ré aban­don­ner la réforme des retraites, pour­tant pro­mise durant sa cam­pagne de 2017, arguant que « les condi­tions ne sont pas réunies pour relan­cer aujourd’hui ce chan­tier ». Pas folle la guêpe ! Relancer l’affaire main­te­nant serait une manœuvre sui­ci­daire. Il la ren­voie donc à 2022, c’est-à-dire… après sa réélec­tion, dont il ne doute pas. Il fini­ra son mono­logue par un éloge de sa poli­tique sécu­ri­taire (?), de son plan France 2030 – ce qui confirme qu’il ne doute pas un ins­tant d’être réélu – et à l’Europe. Fallait sur­tout pas l’oublier, celle-là. Ni les ambi­tions cli­ma­tiques inter­ve­nues en fin de dis­cours avec cepen­dant un pavé dans la mare des éco­lo­gistes anti-nucléaires. Macron qui a fer­mé Fessenheim et annonce main­te­nant la construc­tion de nou­velles cen­trales consi­dère-t-il aujourd’hui que les bul­le­tins de vote des Khmers verts sont quan­ti­té négligeables ?

Ce discours fleuve du Président était donc bien une tribune de campagne

Cela n’a échap­pé à per­sonne et sur­tout pas au dépu­té euro­péen de La France insou­mise, Manuel Bompard, qui l’a dénon­cé avec une cer­taine dose d’humour : « Elle a l’air bien cette nou­velle émis­sion de cam­pagne où le can­di­dat peut par­ler sans être inter­rom­pu. j’espère que les autres can­di­dats seront bien­tôt invi­tés ». Bizarrement, cette évi­dence a quand même échap­pé au CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui, pour­tant, s’était mon­tré tel­le­ment sour­cilleux avec Éric Zemmour. Les esprits mes­quins y ver­ront une marque fla­grante du deux-poids-deux-mesures qui carac­té­rise si bien toutes les ins­tances judi­ciaires et de contrôle de notre pays. Quand l’un a dû quit­ter son job à CNews, l’autre se pavane par­tout, à Beauvau, à Marseille, en Avignon, chez les Harkis, avec les spor­tifs olym­piques, avec la jeu­nesse… dis­tri­buant par­tout, tel la Semeuse, des lar­gesses avec le car­net de chèques des contribuables.

Mais non, le CSA n’y trouve rien à redire

Il se borne, selon lui, à appli­quer la loi : « Tout ce qui ne relève pas du débat poli­tique natio­nal passe sous les radars » et n’est donc pas décomp­té. Sauf que ses règles du jeu sont chan­geantes, floues et sub­jec­tives puisque sou­mises à sa dis­cré­tion. Et le CSA s’auto-décrivant comme une « auto­ri­té publique indé­pen­dante » – magni­fique oxy­more ! – suit doci­le­ment la voix de son maître. Il y a donc guère de chance que la sai­sine du CSA par Manuel Bompard, direc­teur de cam­pagne de Jean-Luc Mélenchon, pour deman­der de comp­ta­bi­li­ser le temps de parole d’Emmanuel Macron au même titre que les autres can­di­dats à la pré­si­den­tielle, abou­tisse. Dans cette « vraie-fausse » cam­pagne élec­to­rale déjà bien enga­gée, il est clair que tout le monde ne se bat pas à armes égales.

Charles ANDRÉ

« L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réflé­chir. »


Bonus : Guy Béart dans « La Vérité »

1 commentaire

  1. Il est à ger­ber, ce pré­sident !!! Mais il cara­cole tou­jours dans les son­dages … snif ! snif !!! Les Français sont des veaux !!! Déjà tous vac­ci­nés … et bien­tôt mar­qués au fer rouge sans meu­gler. Pauvre France !!!

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