Le communisme joyeux du zizi

par | 4 avril 2023 | 2 Commentaires 

Pour ce qui est des men­su­ra­tions, Jérémy fait du 38, Baptiste du 44 et Kévin du 42. Ici, tout le monde est conscien­ti­sé à sou­hait et connaît, au mil­li­mètre près, uti­li­sa­tion de slip contra­cep­tif oblige, le dia­mètre de son pénis en érec­tion. Nous sommes à Marseille, ville-monde car­na­va­lesque, tou­jours en pointe de la post-moder­ni­té avec ses friches gen­tri­fiés et ses fave­las isla­mi­sées, ses bobos tatoués et ses racailles décé­ré­brées conti­nuant encore mira­cu­leu­se­ment de par­ta­ger (qui sait pour com­bien de temps ?) le bor­del voci­fé­rant d’une cité chaque jour un peu moins pho­céenne mais tou­jours plus babé­lienne. Nous sommes au cœur de l’association mar­seillaise « 13ticules », où se retrouve toute une géné­ra­tion de schi­zo­phrènes bibe­ron­née au por­no, culpa­bi­li­sant de trou­ver un phal­lus entre leurs cuisses tout en le rêvant tou­jours plus pro­émi­nent, dési­reuse enfin par des­sus tout, de pou­voir déta­cher de cet organe encom­brant son éter­nelle sub­stance symbolique.Treizeticules

Ce col­lec­tif de gay-lurons aux ten­dances sodo­mites non encore assu­mées ché­rit ses sem­blables et aime les rece­voir tous les pre­miers mer­cre­dis du mois, avec un plai­sir et une bien­veillance dont nous ne pou­vons, simples mor­tels archaïques, qu’imaginer dif­fi­ci­le­ment la por­tée. Ils se retrouvent alors aus­si bien pour des débats ani­més et volon­ta­ristes autour de la contra­cep­tion mas­cu­line que pour des ate­liers de cou­ture enga­gée, où des bri­gades de refou­lés tes­ti­cu­laires se voient ensei­gner, si l’utilisation d’une machine à coudre ne leur fait pas peur (ce qui n’est géné­ra­le­ment plus le cas lorsqu’on en est arri­vé là), à confec­tion­ner leur propre slip chauf­fant contra­cep­tif. Ce petit bijou d’artisanat sau­ra leur remon­ter gen­ti­ment les couilles à la racine de la verge, éle­ver leur tem­pé­ra­ture à 37° C et blo­quer de la sorte toute créa­tion de sper­ma­to­zoïdes. Le tour à ce niveau-là est qua­si­ment joué, il ne reste plus à nos valeu­reux mili­tants pros­ta­to-scep­tiques qu’à por­ter conve­na­ble­ment leur slip chauf­fant une quin­zaine d’heures par jour et deve­nir ain­si, graal suprême pour l’époque, des hommes par­fai­te­ment contra­cep­tés. Ils pour­ront dès lors faire leur le man­tra socia­lo-mal­thu­sien du col­lec­tif « 13ticules » : « Maîtriser la fer­ti­li­té de manière col­lec­tive et soli­daire ! ».

Si les pseu­do-révo­lu­tion­naires bour­geoises de mai 68 se sont bat­tues pour obte­nir le droit à la pilule contra­cep­tive, force est de recon­naître que tout a chan­gé depuis #MeToo. La pré­ten­due libé­ra­tion des corps est deve­nue entre temps la porte ouverte à toutes les oppres­sions mas­cu­lines, et il n’est plus ques­tion pour la nou­velle géné­ra­tion de bour­geoises de conti­nuer à jouer le jeu de dupes impo­sé par un patriar­cat bien sûr omni­po­tent. Après leur com­bat cou­ra­geux pour le par­tage des tâches domes­tiques, nos bour­geoises à uté­rus, en mal d’émotions dans leur vie pour­tant si active mais si peu tré­pi­dante, se battent désor­mais pour le par­tage de la charge men­tale de la contra­cep­tion. Et, excel­lente nou­velle pour elles, les bour­geois à tes­ti­cules qui les accom­pagnent dans leur vie de tous les jours ne deman­daient que ça !

Hélas, mal­gré toutes les meilleures inten­tions du monde, il arrive encore trop sou­vent que nos héros du quo­ti­dien ne sup­portent pas le port pro­lon­gé de leur slip chauf­fant. Arrivés à une telle extré­mi­té, et quand le déses­poir les guette, nos che­va­liers du liquide sémi­nal atro­phié ne se laissent pas abattre mais courent reli­gieu­se­ment à la cli­nique la plus proche, rece­voir chaque semaine leurs injec­tions hor­mo­nales libé­ra­trices. Mais là aus­si, hélas, encore mille fois hélas, devant tant de cou­rage, le sort ne cesse de s’acharner ; et la rumeur raconte qu’au sein du col­lec­tif, cer­taines varia­tions émo­tion­nelles, sortes de syn­drome pré-mens­truel engen­drées par ces piqûres hor­mo­nales réité­rées, auraient eu rai­son des mili­tants même les plus endurcis.

On ne naît pas homme contracepté, on le devient difficilement

Heureusement, pour son plus grand bon­heur, rien n’effraie plus de nos jours l’imbécile, même le plus débraillé, dès qu’il s’agit de pro­grès socié­tal. Ce der­nier sait alors pou­voir tou­jours comp­ter, dans les temps les plus dif­fi­ciles, sur son Israël pro­vi­den­tiel à lui, l’Amérique. Comme tant de bonnes choses avant elle, comme le mil­diou et la fête d’Halloween, la vasec­to­mie a fini par débar­quer d’Outre-Atlantique pour s’installer sur notre vieux sol fran­çais. Ici, plus de ter­gi­ver­sa­tion tes­ti­cu­laire mais bel et bien, enfin, le grand envol vers la sté­ri­li­té finale. Car si l’infertilité mas­cu­line a tou­jours sym­bo­li­sé pour l’homme le pire des châ­ti­ments divins depuis des temps immé­mo­riaux, elle est en passe de deve­nir, dans notre monde tota­le­ment ren­ver­sé, l’horizon le plus sou­hai­table de toute une jeu­nesse décons­truite et bon­dis­sante de joie à l’idée de sa propre sté­ri­li­té. Du sau­ve­tage de la pla­nète à la quête d’une liber­té sans fin, toutes les rai­sons sont bonnes pour se faire vasec­to­mi­ser. Et comme ne manquent pas de le pro­cla­mer de leur air triom­phant nos imbé­ciles les plus osten­ta­tifs : « Le tabou suprême de la sté­ri­li­té mas­cu­line com­mence à tom­ber ».

Mais que ceux-là ne se réjouissent pas trop vite pour autant. Malgré une très nette accé­lé­ra­tion du phé­no­mène et plus de vingt-trois mille vasec­to­mies réa­li­sées en France au cours de l’année 2021, notre retard sur les États-Unis et le Canada, comme bien sou­vent, demeure incom­men­su­rable. Depuis leur ate­lier de cou­ture, nos braves ama­teurs du col­lec­tif « 13ticules » regardent avec des yeux de Chimène ces deux belles nations en avance où un citoyen à tes­ti­cules sur cinq a déjà eu recours à une vasec­to­mie. La répu­blique fran­çaise pour­tant, comme à son habi­tude, fait tou­jours de son mieux ; et nul besoin d’attendre une hypo­thé­tique sixième répu­blique pour voir la vasec­to­mie encou­ra­gée par le bien nom­mé Planning fami­lial et rem­bour­sée par la véné­rable Sécurité Sociale, la cin­quième fait d’ores et déjà très bien son tra­vail. Hormis pour des­ti­tuer un pré­sident qu’ils n’ont pas hési­té à élire, on se demande ce que toute une jeu­nesse gau­chi­sée trouve comme véri­table moti­va­tion pour battre le pavé quand le pro­gramme com­mun de des­truc­tion de la France ne semble jamais avoir fonc­tion­né avec autant d’efficacité. Peut-être le déla­bre­ment à marche for­cée de notre pays n’est-il encore pas suf­fi­sam­ment rapide et démo­cra­tique à leurs yeux ? L’arbre fre­lu­quet de la macro­nie cache en tout cas de plus en plus dif­fi­ci­le­ment la forêt galo­pante de toute une géné­ra­tion « nupes­si­sée » depuis le biberon.

À un siècle de nous, le jeune Bardamu tota­le­ment éber­lué décou­vrait, au beau milieu des banques new-yor­kaises et au hasard d’un gouffre impro­bable, le « com­mu­nisme joyeux du caca »(1). Les Américains qu’il lui était alors don­né d’observer, à quelques mètres sous le bitume d’une des plus riches ave­nues du monde, se vau­traient avec une délec­ta­tion sur­pre­nante, entre rots et pets, dans les joies par­ta­gées de la défé­ca­tion en com­mun. Céline aura pris un malin plai­sir à nous dépeindre, à tra­vers ce pas­sage mémo­rable de son Voyage au bout de la nuit, toute la vul­ga­ri­té résul­tant de ce mélange de bruits obs­cènes et d’odeurs insou­te­nables, le tout orches­tré dans une humeur de franche cama­ra­de­rie que nos amis de « 13ticules » n’auraient guère pu renier. Le plus impor­tant aujourd’hui, dans nos socié­tés décom­plexées de tout, étant de par­ti­ci­per coûte que coûte à la fête du slip per­ma­nente. Car si le com­mu­nisme du caca se pra­ti­quait pour sa part de manière sou­ter­raine, à l’insu de pas­sants dépour­vus de curio­si­té, force est de recon­naître que le com­mu­nisme du zizi s’exhibe quant à lui aux yeux de tous, et qu’il devient même de plus en plus dif­fi­cile d’y échap­per. De TikTok à Twitter, on ne compte plus les sel­fies post-vasec­to­mie où l’heureux élu se retrouve à plas­tron­ner fiè­re­ment face au miroir des toi­lettes de la cli­nique, sa char­lotte sur la tête et son masque chi­rur­gi­cal cachant sa barbe de hips­ter, son iPhone à bout de bras devant lui. Car il s’agit avant tout d’un pro­sé­ly­tisme nar­cis­sique cen­tré sur l’auto-glorification de sa propre petite per­sonne fai­sant le Bien et qui aurait peut-être bien du mal à exis­ter si le smart­phone lui-même n’existait pas.Vasectomie

De révo­lu­tion en révo­lu­tion, et de vasec­to­mie en vasec­to­mie, la méta­mor­phose d’une sexua­li­té pro­créa­tive vers une sexua­li­té pure­ment récréa­tive est en voie de par­fait accom­plis­se­ment. Et qui peut connaître, après tout, le temps qui nous sépare encore des uté­rus arti­fi­ciels et de la pra­tique sexuelle comme dis­ci­pline olym­pique ? Emmanuel Macron ose­ra-t-il fran­chir le cap dès 2024 ? Et pour célé­brer en beau­té la dis­pa­ri­tion défi­ni­tive de la France, pour­quoi ne pas orga­ni­ser, tant que nous y sommes, une gigan­tesque par­touze inter­ra­ciale en plein vil­lage olym­pique, au cœur de la Seine-Saint-Denis, où tout un dépar­te­ment bien colo­ré mais pas du tout vasec­to­mi­sé attend impa­tiem­ment de noyer tout un pays sous une vague de semence créo­li­sante ? On ne com­prend hélas rien au Grand Remplacement de popu­la­tion à l’œuvre dans notre pays, si l’on n’a pas avant tout en conscience le seul et véri­table rem­pla­ce­ment qu’il soit, le grand rem­pla­ce­ment ori­gi­nel, et celui-là pour le coup par­fai­te­ment ache­vé, le rem­pla­ce­ment de l’homme tra­di­tion­nel par son double moderne et déri­soire, le petit blanc lobo­to­mi­sé et par­fai­te­ment châ­tré. Même les larmes de cro­co­diles les plus sin­cères de toute la droite bour­geoise encra­va­tée ne pour­ront rien face à l’irrémédiable mon­tée d’une reli­gion non-émas­cu­lée dans notre pays, tant que celle-ci ne pren­dra pas en compte qu’elle appar­tient à un peuple mori­bond qui n’attend plus rien d’autre que le sou­la­ge­ment de sa propre extinction.

En atten­dant la fin du déluge, et devant l’immense éten­due chaque jour plus per­cep­tible du désastre en cours, j’écoute nos fémi­nistes plus que jamais vic­to­rieuses nous racon­ter de leur voix dia­bo­lique, sur les ruines qu’il nous reste désor­mais en par­tage, que « le che­min reste cepen­dant encore long pour que les men­ta­li­tés évo­luent vrai­ment. » Je me dis alors que tout n’est pas tota­le­ment fini, et que bien des humi­lia­tions volon­taires nous attendent encore avant notre dis­pa­ri­tion finale. Philippe Muray(2) et le bon Ferdinand n’ont pas fini là-haut de se mar­rer comme des cornichons.

Tom Benejam
2 Avril 2023

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Tom Benejam

2 Commentaires 

  1. Bah ça a l’air plu­tôt inté­res­sant ce qu’ils font… J’avoue que si ça me per­met de pas me retrou­ver avec des mioches aux­quels je ne m’attendais pas des années plus tard !! 

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  2. Levons tous le pouce pour Tom avec ses articles tou­jours aus­si « des­troy » et jubi­la­toires, comme disent les bobos bran­chés sur le vide des cercles intel­los pari­siens, qu’ils soient de « droite » ou de gauche.

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