Le communisme joyeux du zizi
Pour ce qui est des mensurations, Jérémy fait du 38, Baptiste du 44 et Kévin du 42. Ici, tout le monde est conscientisé à souhait et connaît, au millimètre près, utilisation de slip contraceptif oblige, le diamètre de son pénis en érection. Nous sommes à Marseille, ville-monde carnavalesque, toujours en pointe de la post-modernité avec ses friches gentrifiés et ses favelas islamisées, ses bobos tatoués et ses racailles décérébrées continuant encore miraculeusement de partager (qui sait pour combien de temps ?) le bordel vociférant d’une cité chaque jour un peu moins phocéenne mais toujours plus babélienne. Nous sommes au cœur de l’association marseillaise « 13ticules », où se retrouve toute une génération de schizophrènes biberonnée au porno, culpabilisant de trouver un phallus entre leurs cuisses tout en le rêvant toujours plus proéminent, désireuse enfin par dessus tout, de pouvoir détacher de cet organe encombrant son éternelle substance symbolique.
Ce collectif de gay-lurons aux tendances sodomites non encore assumées chérit ses semblables et aime les recevoir tous les premiers mercredis du mois, avec un plaisir et une bienveillance dont nous ne pouvons, simples mortels archaïques, qu’imaginer difficilement la portée. Ils se retrouvent alors aussi bien pour des débats animés et volontaristes autour de la contraception masculine que pour des ateliers de couture engagée, où des brigades de refoulés testiculaires se voient enseigner, si l’utilisation d’une machine à coudre ne leur fait pas peur (ce qui n’est généralement plus le cas lorsqu’on en est arrivé là), à confectionner leur propre slip chauffant contraceptif. Ce petit bijou d’artisanat saura leur remonter gentiment les couilles à la racine de la verge, élever leur température à 37° C et bloquer de la sorte toute création de spermatozoïdes. Le tour à ce niveau-là est quasiment joué, il ne reste plus à nos valeureux militants prostato-sceptiques qu’à porter convenablement leur slip chauffant une quinzaine d’heures par jour et devenir ainsi, graal suprême pour l’époque, des hommes parfaitement contraceptés. Ils pourront dès lors faire leur le mantra socialo-malthusien du collectif « 13ticules » : « Maîtriser la fertilité de manière collective et solidaire ! ».
Si les pseudo-révolutionnaires bourgeoises de mai 68 se sont battues pour obtenir le droit à la pilule contraceptive, force est de reconnaître que tout a changé depuis #MeToo. La prétendue libération des corps est devenue entre temps la porte ouverte à toutes les oppressions masculines, et il n’est plus question pour la nouvelle génération de bourgeoises de continuer à jouer le jeu de dupes imposé par un patriarcat bien sûr omnipotent. Après leur combat courageux pour le partage des tâches domestiques, nos bourgeoises à utérus, en mal d’émotions dans leur vie pourtant si active mais si peu trépidante, se battent désormais pour le partage de la charge mentale de la contraception. Et, excellente nouvelle pour elles, les bourgeois à testicules qui les accompagnent dans leur vie de tous les jours ne demandaient que ça !
Hélas, malgré toutes les meilleures intentions du monde, il arrive encore trop souvent que nos héros du quotidien ne supportent pas le port prolongé de leur slip chauffant. Arrivés à une telle extrémité, et quand le désespoir les guette, nos chevaliers du liquide séminal atrophié ne se laissent pas abattre mais courent religieusement à la clinique la plus proche, recevoir chaque semaine leurs injections hormonales libératrices. Mais là aussi, hélas, encore mille fois hélas, devant tant de courage, le sort ne cesse de s’acharner ; et la rumeur raconte qu’au sein du collectif, certaines variations émotionnelles, sortes de syndrome pré-menstruel engendrées par ces piqûres hormonales réitérées, auraient eu raison des militants même les plus endurcis.
On ne naît pas homme contracepté, on le devient difficilement
Heureusement, pour son plus grand bonheur, rien n’effraie plus de nos jours l’imbécile, même le plus débraillé, dès qu’il s’agit de progrès sociétal. Ce dernier sait alors pouvoir toujours compter, dans les temps les plus difficiles, sur son Israël providentiel à lui, l’Amérique. Comme tant de bonnes choses avant elle, comme le mildiou et la fête d’Halloween, la vasectomie a fini par débarquer d’Outre-Atlantique pour s’installer sur notre vieux sol français. Ici, plus de tergiversation testiculaire mais bel et bien, enfin, le grand envol vers la stérilité finale. Car si l’infertilité masculine a toujours symbolisé pour l’homme le pire des châtiments divins depuis des temps immémoriaux, elle est en passe de devenir, dans notre monde totalement renversé, l’horizon le plus souhaitable de toute une jeunesse déconstruite et bondissante de joie à l’idée de sa propre stérilité. Du sauvetage de la planète à la quête d’une liberté sans fin, toutes les raisons sont bonnes pour se faire vasectomiser. Et comme ne manquent pas de le proclamer de leur air triomphant nos imbéciles les plus ostentatifs : « Le tabou suprême de la stérilité masculine commence à tomber ».
Mais que ceux-là ne se réjouissent pas trop vite pour autant. Malgré une très nette accélération du phénomène et plus de vingt-trois mille vasectomies réalisées en France au cours de l’année 2021, notre retard sur les États-Unis et le Canada, comme bien souvent, demeure incommensurable. Depuis leur atelier de couture, nos braves amateurs du collectif « 13ticules » regardent avec des yeux de Chimène ces deux belles nations en avance où un citoyen à testicules sur cinq a déjà eu recours à une vasectomie. La république française pourtant, comme à son habitude, fait toujours de son mieux ; et nul besoin d’attendre une hypothétique sixième république pour voir la vasectomie encouragée par le bien nommé Planning familial et remboursée par la vénérable Sécurité Sociale, la cinquième fait d’ores et déjà très bien son travail. Hormis pour destituer un président qu’ils n’ont pas hésité à élire, on se demande ce que toute une jeunesse gauchisée trouve comme véritable motivation pour battre le pavé quand le programme commun de destruction de la France ne semble jamais avoir fonctionné avec autant d’efficacité. Peut-être le délabrement à marche forcée de notre pays n’est-il encore pas suffisamment rapide et démocratique à leurs yeux ? L’arbre freluquet de la macronie cache en tout cas de plus en plus difficilement la forêt galopante de toute une génération « nupessisée » depuis le biberon.
À un siècle de nous, le jeune Bardamu totalement éberlué découvrait, au beau milieu des banques new-yorkaises et au hasard d’un gouffre improbable, le « communisme joyeux du caca »(1). Les Américains qu’il lui était alors donné d’observer, à quelques mètres sous le bitume d’une des plus riches avenues du monde, se vautraient avec une délectation surprenante, entre rots et pets, dans les joies partagées de la défécation en commun. Céline aura pris un malin plaisir à nous dépeindre, à travers ce passage mémorable de son Voyage au bout de la nuit, toute la vulgarité résultant de ce mélange de bruits obscènes et d’odeurs insoutenables, le tout orchestré dans une humeur de franche camaraderie que nos amis de « 13ticules » n’auraient guère pu renier. Le plus important aujourd’hui, dans nos sociétés décomplexées de tout, étant de participer coûte que coûte à la fête du slip permanente. Car si le communisme du caca se pratiquait pour sa part de manière souterraine, à l’insu de passants dépourvus de curiosité, force est de reconnaître que le communisme du zizi s’exhibe quant à lui aux yeux de tous, et qu’il devient même de plus en plus difficile d’y échapper. De TikTok à Twitter, on ne compte plus les selfies post-vasectomie où l’heureux élu se retrouve à plastronner fièrement face au miroir des toilettes de la clinique, sa charlotte sur la tête et son masque chirurgical cachant sa barbe de hipster, son iPhone à bout de bras devant lui. Car il s’agit avant tout d’un prosélytisme narcissique centré sur l’auto-glorification de sa propre petite personne faisant le Bien et qui aurait peut-être bien du mal à exister si le smartphone lui-même n’existait pas.
De révolution en révolution, et de vasectomie en vasectomie, la métamorphose d’une sexualité procréative vers une sexualité purement récréative est en voie de parfait accomplissement. Et qui peut connaître, après tout, le temps qui nous sépare encore des utérus artificiels et de la pratique sexuelle comme discipline olympique ? Emmanuel Macron osera-t-il franchir le cap dès 2024 ? Et pour célébrer en beauté la disparition définitive de la France, pourquoi ne pas organiser, tant que nous y sommes, une gigantesque partouze interraciale en plein village olympique, au cœur de la Seine-Saint-Denis, où tout un département bien coloré mais pas du tout vasectomisé attend impatiemment de noyer tout un pays sous une vague de semence créolisante ? On ne comprend hélas rien au Grand Remplacement de population à l’œuvre dans notre pays, si l’on n’a pas avant tout en conscience le seul et véritable remplacement qu’il soit, le grand remplacement originel, et celui-là pour le coup parfaitement achevé, le remplacement de l’homme traditionnel par son double moderne et dérisoire, le petit blanc lobotomisé et parfaitement châtré. Même les larmes de crocodiles les plus sincères de toute la droite bourgeoise encravatée ne pourront rien face à l’irrémédiable montée d’une religion non-émasculée dans notre pays, tant que celle-ci ne prendra pas en compte qu’elle appartient à un peuple moribond qui n’attend plus rien d’autre que le soulagement de sa propre extinction.
En attendant la fin du déluge, et devant l’immense étendue chaque jour plus perceptible du désastre en cours, j’écoute nos féministes plus que jamais victorieuses nous raconter de leur voix diabolique, sur les ruines qu’il nous reste désormais en partage, que « le chemin reste cependant encore long pour que les mentalités évoluent vraiment. » Je me dis alors que tout n’est pas totalement fini, et que bien des humiliations volontaires nous attendent encore avant notre disparition finale. Philippe Muray(2) et le bon Ferdinand n’ont pas fini là-haut de se marrer comme des cornichons.
Tom Benejam
2 Avril 2023
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2 Commentaires
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En référence au personnage Ferdinand Bardamu dans le roman de Céline Voyage au bout de la nuit.
Bardamu idéalise le voyage et l’ailleurs. Mais l’Amérique, loin de se présenter comme une terre accueillante, est symbolisée par New-York, ville rebutante. En moquant New-York, Bardamu et à travers lui Céline, porte un regard dépréciatif sur l’Autre monde, dont il dénonce la modernité et le matérialisme
Rappelons que Voyage au bout de la nuit a été écrit par Céline en 1932 !
Philippe Muray (1945−2006) est un essayiste et romancier français.
En 1981, il publie un essai sur Louis-Ferdinand Céline, dans la collection Tel Quel dirigée par Philippe Sollers, dans lequel il refusait de séparer l’auteur du Voyage au bout de la nuit et le pamphlétaire antisémite de Bagatelles pour un massacre.
Philippe Murray n’a eu de cesse de pourfendre la Pensée Unique. « Nous vivons à l’ère des conformismes, des fausses idoles médiatiques et du vide universel au nom d’un humanisme privé d’humanités… La dictature du prêt à penser et de la bienveillance, rançon de l’inculture, empoisonne nos vies de joyeusetés factices dans laquelle l’homme contemporain se perd. C’est contre ce paradoxe permanent que l’auteur nous invite avec humour à conjurer la pensée unique et la lobotomisation des esprits. Et à célébrer la liberté de penser, et donc de critiquer, avec un humour flamboyant et ravageur ». [source Babélio]
Bah ça a l’air plutôt intéressant ce qu’ils font… J’avoue que si ça me permet de pas me retrouver avec des mioches auxquels je ne m’attendais pas des années plus tard !!
Levons tous le pouce pour Tom avec ses articles toujours aussi « destroy » et jubilatoires, comme disent les bobos branchés sur le vide des cercles intellos parisiens, qu’ils soient de « droite » ou de gauche.