Hamas : le bébé Frankenstein d’Israël

par | 6 novembre 2023 | 6 Commentaires 

Un évé­ne­ment chas­sant l’autre, dans les médias, les prio­ri­tés du moment se sont dépla­cées : la bande de Gaza a rem­pla­cé l’Ukraine et le Hamas a chi­pé la vedette à l’ogre Poutine. Il est vrai que les mas­sacres bar­bares per­pé­trés dans les Kibboutz israé­liens ont de quoi révul­ser les âmes les plus indif­fé­rentes et sus­ci­ter l’indignation géné­rale – La France Insoumise excep­tée – car il ne s’agit plus d’affrontement entre deux armées mais de pogroms diri­gés contre des civils inno­cents. Cela dit, au-delà de l’émotion légi­time, il convient d’appréhender la situa­tion en Israël et en Palestine, deux semaines après le 7 octobre, avec luci­di­té et discernement.

Si l’État, l’armée et l’ensemble des auto­ri­tés israé­liennes ont été inca­pables de pro­té­ger leur popu­la­tion civile, c’est la faute du gou­ver­ne­ment de Benyamin Netanyahou, au Pouvoir depuis 2009 (avec inter­rup­tion d’une année), et de la poli­tique que la droite israé­lienne mène depuis 2005, laquelle consiste à favo­ri­ser et même finan­cer le Hamas au détri­ment de l’autorité pales­ti­nienne recon­nue par les accords d’Oslo. Il y a à peine deux ans, on a encore vu l’émissaire du Qatar arri­ver à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv avec des valises pleines de dol­lars (des mil­lions de dol­lars), avec l’autorisation d’Israël et même une escorte de la police israé­lienne jusqu’a l’entrée de Gaza, pour remettre cet argent au Hamas afin qu’il puisse payer ses com­bat­tants. Un fait rela­té par le jour­na­liste fran­co-israé­lien Charles Enderlin sur le pla­teau de TV5-Monde, le 11 octobre der­nier(1), et que nul ne met­tra en doute eu égard à la pro­fonde connais­sance du proche Orient par cet ancien cor­res­pon­dant à Jérusalem de France 2 (jusqu’en août 2015).

Israël a donc encou­ra­gé l’émergence du Hamas et favo­ri­sé son déve­lop­pe­ment contre l’autorité pales­ti­nienne, le Fatah. Après la conquête de Gaza par les forces israé­liennes en 1967, relate encore Charles Enderlin, un Cheikh musul­man, Ahmed Yassine, est allé à la ren­contre des géné­raux israé­liens pour leur dire : « Moi, je veux faire du social à Gaza ». En réa­li­té, Yassine était un Frère musul­man de la branche la plus radi­cale de la confré­rie. Les géné­raux ont néan­moins trou­vé for­mi­dable que ce brave Cheikh veuille faire du social dans cette enclave. Un géné­ral com­man­dant de sec­teur du nom d’Ariel Sharon a même offert les bal­lons de foot­ball et des maillots à l’équipe de la mos­quée du Cheikh Yassine. C’est dire l’aveuglement… Ou le calcul !

Le pseu­do conte de fée a duré jusqu’en 1988, lorsque, subi­te­ment, l’union isla­mique créée par Yassine s’est trans­for­mée en Hamas et là, les Israéliens ont décou­vert qu’ils avaient don­né les clefs de la mai­son un véri­table enne­mi. Nonobstant, Ariel Sharon a pour­sui­vi son plan : en 2005, il a pro­cé­dé à l’évacuation des colo­nies de Gaza avec l’intention déli­bé­rée de lais­ser l’enclave au Hamas afin d’empêcher la créa­tion d’un État pales­ti­nien — l’objectif du Hamas étant, quant à lui, d’empêcher la créa­tion et l’existence d’un État juif en terre d’islam —. Cela s’est tra­duit dans les faits par quelques conflits armés mais jamais les Israéliens n’ont tué la direc­tion du Hamas ni cher­ché à le faire. Car les extré­mistes natio­na­listes et mes­sia­niques juifs ne veulent en aucun cas d’un État pales­ti­nien en terre d’Israël. Ainsi se retrouve-t-on en pré­sence de deux extrêmes qui se ren­contrent et s’alimentent, cha­cune refu­sant le prin­cipe de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.

Tel Frankenstein, Israël voit aujourd’hui sa créa­ture lui échap­per et se retour­ner pour mordre la main qui l’a façon­née et nour­rie. Ce coup de pied de l’âne a déclen­ché une situa­tion d’escalade de plus en plus dra­ma­tique de guerre et de vio­lence avec la menace d’une confron­ta­tion directe entre Israël et l’Iran qui fini­rait par entraî­ner toute la région du Moyen-Orient dans un conflit dévas­ta­teur. Un conflit que nos ban­lieues radi­ca­le­ment isla­mi­sées pour­raient impor­ter sur notre sol. Hypothèse que l’exécutif redoute au plus haut point et qui explique le dépla­ce­ment à retar­de­ment d’Emmanuel Macron en Israël. Celui-ci s’en est allé don­ner des gages aux radi­ca­li­sés des ban­lieues en accor­dant autant de consi­dé­ra­tion au repré­sen­tant de l’autorité pales­ti­nienne, Mahmoud Abbas, qu’il est le seul à avoir ren­con­tré depuis le 7 octobre, qu’au pre­mier ministre israé­lien Benyamin Netanyahou. Cela suf­fi­ra-t-il à cal­mer les esprits qui s’échauffent et évi­ter des émeutes du style de celles que nous avons connues cet été ? Rien de moins sûr. Mais mieux vaut y croire…

Charles ANDRÉ

« L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réflé­chir. »

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Charles André

L’analyse de Charles Enderlin, qui a été pen­dant plus de 30 ans cor­res­pon­dant de France 2 à Jérusalem [source].

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6 Commentaires 

  1. Je note tout de même que l’Autorité Palestinienne (« Fatah Land ») voit son ter­ri­toire – Cisjordanie – mor­ce­lé sans cesse par une colo­ni­sa­tion armée, où les Palestiniens subissent les humi­lia­tions quo­ti­diennes de l’oc­cu­pant. Donc même sans révolte armée à l’ins­tar du Hamas, l’Autorité ne contrôle pas grand-chose et la créa­tion d’un État pales­ti­nien – 75 ans après l’en­ti­té sio­niste – est une chi­mère. C’est tout de même l’is­raël qui a gri­gno­té la Palestine et pour­suit l’an­nexion totale des terres. Alors oui, on peut regret­ter les consé­quences de ce conflit inter­mi­nable et les érup­tions de vio­lences qui se suc­cèdent – se rap­pe­ler de « Plomb dur­ci ! – mais en termes de des­truc­tions et de mas­sacre, la palme revient à l’oc­cu­pant. Et dans le même temps, des asso­cia­tions com­mu­nau­taires juives en France pour­suivent de leur vin­dicte judi­ciaire les patriotes fran­çais qui s’op­posent à l’im­mi­gra­tion inva­sion de popu­la­tions majo­ri­tai­re­ment musul­manes au pré­texte d’un sup­po­sé « racisme » et « anti­sé­mi­tisme ». Et ces asso­cia­tions ont le brave culot d’o­ser nous deman­der d’ai­mer notre inva­sion et crier vive le CRIF !

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  2. Sa créa­ture ne lui a pas « échap­pé »… C’est vou­lu et organisé.

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  3. La créa­ture du pro­fes­seur Frankenstein est le fruit d’un réas­sem­blage de frag­ments ana­to­miques pré­le­vés sur des cadavres. C’est une créa­ture pas­sa­ble­ment arti­fi­cielle, qui n’a ni pas­sé, ni mémoire, ni racines, ni repères, ana­lo­gie par­faite de l’Homme Moderne !
    Il se trouve que la Créature échappe immé­dia­te­ment au contrôle de son maître car le pro­fes­seur est absent lors de son réveil. Elle sera alors livrée à elle-même, fai­sant son che­min dans les Alpes suisses, où elle décou­vri­ra le sens de la vie : qui est l’Amour. (et non le Coran)

    Tout ça pour dire que le Hamas est un Golem, je plus­soie l’a­na­lyse de Walter, et je plus­soie éga­le­ment cet article qui tape dans le mille.

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  4. Ce qu’il faut ajou­ter, c’est que le golem avait sur son front « ameth », qui signi­fie véri­té.
    Le « a » aleph effa­cé, il res­tait la mort, « meth ».

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  5. Excellent article qui, en quelques lignes, va au plus vif de cette situa­tion san­glante.
    Juste un petit ajout : l’au­teur évoque le thème lit­té­raire de Frankenstein (sous-titré ou le Prométhée moderne). Or, le grand ancêtre de ce per­son­nage est le célèbre Rabbi Juda Loew ben Benzalel, alias le Maharal (=« notre maître ») de Prague (XVIème et tout début XVIIème siècle), construc­teur du Golem. Le Hamas a pris la place du Golem et, une fois de plus, le légen­daire « s’in­carne » dans l’Histoire.

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