Le cauchemar « woke » peut-être en phase terminale
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. Ce dicton célèbre, aussi vieux que la France – on en trouve des formes dans le haut moyen-âge – pourrait bien illustrer le début de la fin du mouvement « woke » qui ravage nos sociétés post-modernes(notre illustration ci-dessus)(1). Car cette hystérie sociétale imbécile s’avère de plus en plus incompatible avec le business… Et ça, voyez-vous, c’est une conséquence qui commence a en agacer plus d’un dans le milieu des affaires. Et pas des moindres. Des géants de l’investissement comme BlackRock – gestion directe de 6 000 milliards de dollars et indirecte de 9 000 milliards (via son logiciel de gestion Aladdin) soit à peu de chose près l’équivalent du PIB des États-Unis ! – ont déjà enclenché la marche arrière.
BlackRock, c’est Laurence Douglas Fink, dit « Larry » Fink(2), le « King » à Wall Street. Car c’est le faiseur de rois de presque toutes les plus grandes entreprises du monde occidental. Ceux qui le connaissent de longue date le surnomment « le Magicien d’Oz » : celui qui tire les ficelles mais qu’on ne voit jamais. C’est un des plus gros actionnaires des grands groupes occidentaux : Facebook, JP Morgan, Microsoft, Berkshire Hathaway (la société de Warren Buffet), Amazon, Apple, Alphabet (la maison mère de Google), ExxonMobil, Procter & Gamble, Citigroup, etc. Et en France : Total, Unibail, Vinci, Schneider, Air Liquide, Valeo… Autrement dit, Larry Fink détient le pouvoir de nommer les PDG de la plupart de ces entreprises. En janvier 2018, le « Magicien » a écrit(3) à tous les PDG de ces firmes pour qu’elles s’engagent dans un grand élan de générosité vers « un monde meilleur ». Elles étaient priées de se conformer au fameux concept d’ESG (Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), panel de mesures les encourageant à être plus transparentes, plus responsables sur le plan environnemental et social. Dans les faits, il s’agit d’un système d’évaluation et de notation. Pour obtenir une bonne note en matière de gouvernance, les entreprises doivent s’engager en faveur de la promotion de la diversité, de la lutte contre le changement climatique, de l’action sociale et d’autres marottes du « wokisme ». Elles doivent veiller à ce que leurs conseils d’administration soient dans le « bon » état d’esprit politique. Ainsi, des studios hollywoodiens aux fabricants de bière en passant par les producteurs d’hygiène corporelle, les entreprises américaines ont mis en avant une doctrine de plus en plus « progressiste ».
Mais trop, c’est trop. Ce mouvement idéologique s’est souvent effectué au grand dam d’une importante partie du public ciblé et, depuis quelque temps, au détriment même des ventes. Et donc des profits. Pour Gillette, la diffusion de son infâme spot publicitaire s’attaquant à la « masculinité toxique » s’est traduite par une perte de 8 milliards de dollars. Pour Budweiser, dont les bières sont les plus vendues aux États-Unis, la collaboration catastrophique avec la militante transgenre Dylan Mulvaney s’est soldée par un boycott national et 4,6 milliards de dollars de pertes en capitalisation. Pour Disney et Netflix, le public refusant de regarder leurs films et émissions de télévision formatées sur l’agenda LGBTQ, on essaie vainement de reconquérir l’audience perdue en affirmant changer de logiciel. Au fil des ans, une petite formule a fait sa place dans le milieu des affaires : « Get woke, go broke » (« se réveiller, se ruiner »). Et l’enfant terrible du business, Elon Musk, a qualifié les normes ESG de « démon » et d’« escroquerie » perpétrés par de « faux guerriers de la justice sociale ». Bref, rien ne va plus au « Wokistan ».
C’est d’autant plus palpable que Larry Fink lui-même, celui qui a imposé ces normes au monde des affaires pour « forcer les comportements », a récemment opéré un virage pour le moins inattendu. Il a indiqué que sa société avait perdu environ 4 milliards de dollars d’actifs gérés et que « les entreprises “woke” pourraient avoir à se concentrer sur autre chose que les guerres culturelles qui divisent »(4). Qui l’eût cru ? On observe d’ailleurs que l’abandon de l’ESG, dans ses aspects particulièrement contre-productifs, a déjà eu lieu. Par exemple, un grand nombre d’entreprises dont Amazon, X , Nike ou Disney ont commencé à purger leurs départements DEI (diversité, équité et inclusion) en licenciant des dizaines de milliers de « personnes chargées de la diversité ». Le PDG de Disney, Bob Iger, est allé jusqu’à déclarer, lors d’une réunion d’investisseurs, qu’il voulait « faire taire le bruit » sur les questions de guerre culturelle parce que ce n’était « pas sain » pour les activités de la firme, rappelant que le contenu devait être « divertissant et non axé sur les problèmes ». D’aucuns doutent cependant de sa sincérité soupçonnant un simple effet d’annonce pour coller à l’air du temps car rien de tangible ne se dessine : pour l’instant, Disney continue à remplir ses films d’idéologie « progressiste » et négationniste des valeurs traditionnelles. Le prochain remake de Blanche-Neige en est le meilleur exemple. Netflix, quant à lui, se montre plus crédible. Après avoir perdu plus d’un million d’abonnés en 2022, le service de streaming a commencé à s’éloigner du « wokisme ». Dans une note de service à destination de ses employés indignés par cette attitude, il leur a conseillé de chercher un autre emploi s’ils avaient des difficultés à travailler sur des contenus avec lesquels ils n’étaient pas d’accord.
À l’évidence, les choses sont en train de changer. Certes, nous ne sommes pas en présence d’un virage à 180 degrés mais le mouvement de recul est perceptible. Les notations ESG font lentement leur chemin vers le « vintage » . Et c’est tant mieux. Cependant, l’argent ne se gagne pas seulement en vendant des produits mais aussi en attirant des investissements. C’est la raison pour laquelle trop d’entreprises restent encore concentrées sur leur notation ESG au lieu d’écouter leurs clients. Le chemin semble donc encore long vers l’éradication de la peste « woke » même si le processus a été enclenché par le « Magicien d’Oz » lui-même. Le phénomène pourrait néanmoins, par effet boule de neige, s’amplifier et s’inscrire dans un cercle vertueux jusqu’à s’imposer à tout le milieu des affaires. Les États-Unis sortiraient alors du cauchemar « woke ». L’Europe, par mimétisme, suivra inévitablement.
Charles ANDRÉ
« L’important n’est pas de convaincre mais de donner à réfléchir. »
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Sur cette enluminure médiévale du XVe siècle, on lit : « Tant va le pot alique quil brise ».
Cet adage apparaît encore beaucoup plus tôt (XIIe siècle) dans le Roman de Renart [source]
BlackRock is not “woke”, insists Larry Fink [source]
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