Bénédiction des couples de même sexe : décidément, le courant progressiste ne passe pas en Afrique

par | 25 décembre 2023 | 1 com­men­taire

Comme nous l’avons rap­por­té aus­si­tôt ici(1), ce 18 décembre, le Vatican a publié la « Déclaration Fiducia Supplicans sur la signi­fi­ca­tion pas­to­rale des béné­dic­tions »(2). En bref, la presse retient qu’elle auto­rise « la béné­dic­tion des couples de même sexe et “en situa­tion irré­gu­lière” pour l’Église, une pre­mière, tout en res­tant ferme sur son oppo­si­tion au mariage homo­sexuel. »

Ce texte, émis par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, sus­cite un trouble pro­fond et une vive polé­mique au sein de l’Église uni­ver­selle. De plus, cette ouver­ture appa­rente aux idéo­lo­gies pro­gres­sistes est per­çue oppor­tu­né­ment par des non croyants et des anti clé­ri­caux, y com­pris toutes les variantes de la com­mu­nau­té LGBTQ+, idéo­lo­gies alter­na­tives d’une non-bina­ri­té « gen­der fluid » qui ne man­que­ront pas éga­le­ment de récla­mer leur béné­dic­tion, par pro­vo­ca­tion, comme un affais­se­ment de la théo­lo­gie morale ; une faille à exploi­ter dans l’armure doc­tri­nale du Vatican. Plus qu’ailleurs, les Églises d’Afrique, qui jouent encore un rôle conser­va­teur des tra­di­tions et sta­bi­li­sa­teur des popu­la­tions, ont aus­si­tôt réagi, avec pru­dence puis défiance.

Dès le len­de­main de sa publi­ca­tion et « eu égard aux très nom­breuses réac­tions »(1), l’Archevêché d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, avait jugé néces­saire et urgent de dif­fu­ser la recom­man­da­tion expresse « d’ATTENDRE et de SE CONFORMER aux Dispositions de son Éminence Jean-Pierre car­di­nal Kutwa, Archevêque d’Abidjan […] »

Deux jours plus tard, l’Église du Cameroun a pris for­mel­le­ment posi­tion pour inter­dire les béné­dic­tions en ques­tion.

En effet, la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun (CENC), dans une Déclaration en neuf points des Évêques du Cameroun sur l’homosexualité et sur la béné­dic­tion des couples homo­sexuels(3), rap­pelle la condam­na­tion théo­lo­gique et morale de l’homosexualité en se fon­dant sur les textes sacrés :
« La per­sonne humaine est créée homme et femme. Homme et femme, il les créa (Gn 1, 26). » ;
« De fait, l’ho­mo­sexua­li­té oppose l’hu­ma­ni­té à elle-même et la détruit. » ;
« Des rap­ports contre nature (Rm 1, 26) » ;
« L’union homo­sexuelle n’est pas un mariage. Elle fausse le sens du mariage en le rédui­sant à un lien sté­rile, hédo­niste et per­vers : L’infamie d’homme à homme (Rm 1,26). » ;
« L’homosexualité n’est pas un droit de la per­sonne humaine. Mais une alié­na­tion qui nuit gra­ve­ment à l’humanité parce qu’elle n’est fon­dée sur aucune valeur propre à l’être humain : c’est une déshu­ma­ni­sa­tion de l’a­mour, une abo­mi­na­tion (Lev 18,22) » ;
« Un choix et une pra­tique de vie qui ne peuvent être recon­nus comme étant objec­ti­ve­ment ordon­nés aux des­seins révé­lés de Dieu. » ;
« La tra­di­tion ecclé­siale qui déclare intrin­sè­que­ment désor­don­nés et contraires à la loi natu­relle les actes d’ho­mo­sexua­li­té (Catéchisme de l’Église Catholique n. 2357) » ;
« Par consé­quent, nous inter­di­sons for­mel­le­ment toutes béné­dic­tions des couples homo­sexuels dans l’Église du Cameroun ».

Enfin, le texte conclut : « Étant don­né que Dieu ne veut pas la mort du pêcheur, mais sa conver­sion pour la vie éter­nelle, nous recom­man­dons ceux qui sont enclins à l’ho­mo­sexua­li­té, à la prière et à la com­pas­sion de l’Église, en vue de leur conver­sion radi­cale. Nous les invi­tons aus­si à sor­tir de leur men­ta­li­té de vic­ti­mi­sa­tion dans laquelle ils se com­plaisent à se consi­dé­rer comme vic­times, faibles, mino­ri­tés ; afin de sai­sir l’oc­ca­sion de conver­sion que Dieu leur donne dans les mul­tiples inter­pel­la­tions de sa Parole. »

Position Eglise du Cameroun sur la benediction des couples homosexuels Position Eglise du Cameroun sur la benediction des couples homosexuels
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Nous avons déjà aler­té ici(1) d’une ten­ta­tive récente et crois­sante de nou­velle colo­ni­sa­tion de l’Afrique, de nature pro­gres­siste, par les États-Unis et leurs affi­dés euro­péens, dont la France. Cette vague idéo­lo­gique, conçue comme offen­sive et per­çue comme offen­sante, uti­lise tous les moyens pour s’imposer. D’où la réac­tion vive des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques afri­caines face à une Déclaration vati­cane tein­tée de cette influence étran­gère hos­tile aux tra­di­tions locales, qui risque d’opposer des com­mu­nau­tés conser­va­trices majo­ri­taires (chré­tiens et musul­mans d’obédiences diverses, ani­mistes, etc.) au sein de socié­tés civiles à la cohé­sion fragile.

Vu d’Afrique, cette Déclaration uni­ver­selle, hors contextes, est rejetée
• car elle ne per­cole pas dans les cultures locales ;
• injuste, car elle traite injus­te­ment sur le même plan les « per­sonnes de même sexe » et les « per­sonnes en situa­tion irré­gu­lière » telles que les divor­cés rema­riés, qui s’en dif­fé­ren­cient par nature ;
• inop­por­tune, car elle crée inuti­le­ment des ten­sions entre catho­liques, mais aus­si entre catho­liques et les autres confes­sions, toutes conservatrices.

Ainsi, les cou­rants alter­na­tifs exo­gènes qui pré­tendent rem­pla­cer les cou­rants conti­nus endo­gènes (cultures, spi­ri­tua­li­tés, tra­di­tions, us et cou­tumes) créent inuti­le­ment des dis­cordes au sein d’une Église catho­lique for­te­ment concur­ren­cée. On se sou­vient que Staline, alors maître de l’URSS, deman­dait « Le Vatican, com­bien de divi­sions ? »(3) pour sou­li­gner son impuis­sance mili­taire. On peut aujourd’hui se poser la même ques­tion du point de vue de l’unité au sein de l’Église, de la cohé­sion autour de son chef terrestre.

Dans une « Note sur la Déclaration Fiducia Supplicans »(4), bien­ve­nue, Pascal Ide, prêtre catho­lique du dio­cèse de Paris, méde­cin, doc­teur en phi­lo­so­phie et en théo­lo­gie, nous appelle à trois dis­po­si­tions pour accueillir plei­ne­ment ce texte :
• « Éloignons-nous des excès pas­sion­nels, dans un sens comme dans l’autre, met­tons-nous à l’écart et accueillons d’un cœur serein ce texte inédit » ;
• « Lisons ce texte comme nous vou­drions qu’on lise un texte que nous aurions écrit : dans sa tota­li­té, dans ses nuances, dans ses dis­tinc­tions. Avec atten­tion et humi­li­té » ;
• « Cette Déclaration requiert d’abord que nous l’accueillions dans la confiance, avant d’en scru­ter l’enseignement ».
Il conclut par la recom­man­da­tion « Crois pour com­prendre ».

Reconnaissants pour ces conseils bien­veillants que nous sui­vons sin­cè­re­ment, il parait éga­le­ment légi­time et utile pour toute per­sonne rai­son­nable, croyante ou non, d’appliquer le pré­cepte à rebours « Comprends pour croire ».

Jean-Michel Lavoizard

Lire dans nos colonnes : Bénédiction des couples de même sexe, un geste pro­gres­siste qui sème le trouble en Afrique [source]

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Déclaration Fiducia sup­pli­cans sur la signi­fi­ca­tion pas­to­rale des bénédictions  [source]

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Lire la Déclaration Fiducia sup­pli­cans par Pascal Ide [source]

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[NDLR] Notre illus­tra­tion à la une : la Cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Yaoundé au Cameroun


Aris - Jean-Michel LavoizardJean-Michel Lavoizard est le diri­geant-fon­da­teur de la socié­té ARIS – Advanced Research & Intelligence Services.
Jean-Michel Lavoizard publie éga­le­ment sur Boulevard Voltaire.

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Jean-Michel Lavoizard

1 commentaire

  1. La décons­truc­tion est En Marche, les pays catho­liques du Nord, avec le Pape, ont déci­dé d’i­gno­rer (comme d’ha­bi­tude au mépris de toute les réa­li­tés) l’Église d’Afrique et plus géné­ra­le­ment les pays catho­liques du Sud.
    Quel est l’ob­jec­tif ? Tout sim­ple­ment de ratis­ser large jus­qu’à se com­mettre avec la bête pour ten­ter d’ac­cueillir plus de fidèles dans des églises de plus en plus vides et déla­brées dans le Nord du monde et igno­rer sciem­ment que les églises du Sud sont le der­nier rem­part contre l’Islam conqué­rant.
    Le Pape fait de la poli­tique, on l’a­vait com­pris depuis sa visite à Marseille. Mais le Pape qui fait du « macro­nisme », ça c’est nou­veau !
    D’une part le Pape stra­tège poli­tique qui nous valide en 2023 une four­née d’ar­che­vêques choi­sis qui tiennent depuis la majo­ri­té à la curie (pour info, c’est l’or­gane char­gé d’é­lire le nou­veau Pape au départ de l’ancien).
    Le pro­gres­sisme LGBTQR+ En Marche dans l’Église !
    Le Pape aveugle qui ignore la chose la plus élé­men­taire, c’est que sur 45 pays afri­cains, 28 pos­sèdent encore une légis­la­tion répres­sive inter­di­sant ou répri­man­dant l’homosexualité.
    L’Église met la char­rue avant les bœufs. Elle va le payer très cher.
    Pendant ce temps là, la cha­ria entre en vigueur au Sultanat de Bruneï.

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