
Michel Maffesoli persiste et signe
En publiant en 1992 La transfiguration du politique, sous-titrée La tribalisation du monde (Grasset), Michel Maffesoli bousculait le microcosme universitaire de la sociologie. S’il reçut très vite le Grand Prix des Sciences Humaines de l’Académie française — un honneur rare pour un sociologue — il n’en fut pas moins vivement critiqué par ailleurs sur sa « rigueur scientifique ». En effet dans la communauté des sociologues français, l’approche phénoménologique et sensible de Maffesoli – privilégiant l’imaginaire et les émotions sur une méthodologie empirique stricte – a été souvent qualifiée de subjective et peu rigoureuse.
Si « c’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt »(1), le temps remet toujours chaque chose à sa place(2).
S’il est Professeur Émérite en Sorbonne, Michel Maffesoli n’hésite pas à revendiquer ses origines modestes comme un fondement essentiel de sa pensée, qu’il oppose à une élite déconnectée. Ces « racines populaires » désignent à la fois son ancrage biographique dans un milieu ouvrier et immigré, et l’orientation théorique de son œuvre vers la « puissance populaire » – cette force vitale, émotionnelle et tribale des masses, par opposition au « pouvoir institué » des élites rationnelles.
C’est ce qui nous avait conduits à le désigner comme « l’intello rebelle »(3) lorsqu’il avait publié : La force de l’imaginaire – Contre les bien-pensants.
En rééditant son « ouvrage de jeunesse », Maffesoli cherche à réaffirmer sa thèse centrale : le politique s’est « transfiguré » en un espace dominé par l’esthétique, l’émotion et les dynamiques tribales, plutôt que par la raison ou les institutions traditionnelles. Cette édition s’ouvrira à un lectorat élargi pusque le temps a fait son œuvre. Michel Maffesoli en profite pour relier ses analyses d’origine aux événements contemporains, comme les soulèvements populaires ou la « tyrannie sanitaire », renforçant son actualité perçue aujourd’hui.
L’effondrement des grandes idéologies (marxistes, libérales ou utopiques) et des structures étatiques rigides laisse place à une « transfiguration » : le politique n’est plus dominé par la raison instrumentale ou les grands récits progressistes, mais par une culture du sentiment et de l’affectivité.
Michel Maffesoli nous aide à comprendre notre monde, d’où il vient et où il va. Et nous avec.
« Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. »(4)
Bonus :
Cette phrase est attribuée à Marguerite Yourcenar dans ses « Mémoires d’Hadrien ».
C’est la sagesse populaire qui nous l’enseigne, mais le temps est parfois long…
Lire dans nos colonnes : Michel Maffesoli, l’intello rebelle du 3 octobre 2022 |
« Lis aubre que van founs soun li que mounton aut »
Frédéric Mistral dans Les Îles d’or (Lis Isclo d’or), 1876, Librairie contemporaine éditeur, 1998
De Michel Maffesoli :










« Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. » –> Seulement, quand ils poussent dans le bon sens !