Zemmour peut-il gagner l’élection présidentielle ?

14 octobre 2021 | 5 Commentaires 

En hausse dans les son­dages alors qu’il ne s’est pas encore décla­ré can­di­dat, Éric Zemmour surfe sur la vague de sym­pa­thie qui le lie avec son élec­to­rat poten­tiel. Il appa­raît comme un phé­no­mène mais il est sur­tout un anti-phé­no­mène : de par ses constats simples, ses solu­tions simples et une com­mu­ni­ca­tion « cash » acces­sible à tous. Mais cela suf­fit-il pour lui faire gagner l’élection à la pré­si­dence de la République ? La ques­tion se pose.

À ce sujet, il est inté­res­sant d’examiner non pas les son­dages qui, comme cha­cun sait, cherchent à faire du sen­sa­tion­nel pour faire vivre les ins­ti­tuts, mais le mar­ché pré­dic­tif Hypermind. Il s’agit d’une pla­te­forme de paris vir­tuels en ligne conçue pour pré­voir l’avenir en inter­ro­geant l’intelligence col­lec­tive(1). Une sorte de salle de bourse où chaque pré­vi­sion est cotée sous forme d’actions qui s’échangent sur le mar­ché selon le même prin­cipe que la bourse des valeurs mobi­lières. Et force est de consta­ter que cet outil pré­dic­tif peu banal fut le pre­mier à annon­cer, il y a déjà trois semaines, qu’Éric Zemmour avait devan­cé Marine Le Pen et se trou­vait désor­mais en posi­tion de chal­len­ger dési­gné d’Emmanuel Macron. Le « mar­ché » lui accor­dait alors 64 % de chances d’accéder au second tour. En revanche, le même mar­ché esti­mait à seule­ment 29 % ses chances de gagner l’élection. Ça inter­roge tout de même. La for­mule vote d’adhésion au pre­mier tour et vote « utile » au second serait-elle indé­bou­lon­nable en France ?

Une certitude cependant, Zemmour est le candidat anti-système qui connaît le mieux le système puisqu’il en sort. Avantage ou inconvénient ?

Pour l’instant, ses élec­teurs poten­tiels ne semblent pas s’en sou­cier et l’alchimie entre eux et lui se pour­suit. Parce qu’il ne pra­tique pas la langue de bois ger­ma­no­pra­tine(2), il ne pro­pose pas de révo­lu­tion uto­pique mais fait les bons constats en y appor­tant des réponses claires. Ce qui tranche avec ses adver­saires qui se sont tou­jours effor­cé de recher­cher le consen­sus soit par idéo­lo­gie soit par manque de cou­rage poli­tique. Cette côte d’amour entre un homme et un élec­to­rat fait un peu pen­ser à l’aventure Trump.

En effet, comme Trump, Éric Zemmour a pour lui l’absence de bilan poli­tique ce qui le place de fait en homme pro­vi­den­tiel. Il appa­raît comme exté­rieur au sys­tème poli­ti­co-média­tique domi­nant, incar­nant le Peuple pro­fond, celui des déçus, des « sans-dents », de « ceux qui ne sont rien », des Gilets Jaunes, de ceux « qui fument des clopes et roulent au die­sel », des oubliés, des lais­sés pour compte d’une mon­dia­li­sa­tion sau­vage et d’une Europe tech­no­cra­tique mépri­sant les Peuples. Son pro­gramme qui pro­meut l’exaltation natio­na­liste ratisse large car Zemmour n’hésite pas à dési­gner l’immigration ara­bo-musul­mane et le Grand Remplacement de popu­la­tion dont elle est le corol­laire comme res­pon­sables du déclin bien visible de la France. Enfin, le can­di­dat (non encore décla­ré) pos­sède une immense maî­trise des médias et du sys­tème média­tique. Comme le dit Lydia Guirous, chro­ni­queuse pour RT-France : « L’homme est un ani­mal poli­tique qui sait exac­te­ment quand fran­chir la ligne rouge ou pas, quand faire du buzz et quand reprendre de la hau­teur. Il a réus­si à habiller le dis­cours de Le Pen et de la droite des Républicains en le pla­çant dans une dyna­mique intel­lec­tuelle et his­to­rique, qui flatte les gens qui l’écoutent. » Fort bien vu.

Pour le moment, la vague qui le porte semble tenir sa dynamique.

• Le RN fai­sant les frais des mul­tiples conseils de dis­ci­pline et pro­cé­dures d’exclusion des têtes trop pen­santes ain­si qu’un « édul­co­rage » du dis­cours sou­vent mal com­pris de ses sympathisants/​électeurs ;
• Les ténors de la droite poli­ti­cienne, eux, empê­trés dans leurs para­doxes idéo­lo­giques, étant embar­qués dans une énième opé­ra­tion mar­ke­ting visant à faire ava­ler un pro­duit péri­mé en le fai­sant pas­ser pour du neuf ;
• quant à la gauche, ther­mi­do­rienne(3) et cynique comme disent les uni­ver­si­taires Jean-Claude Pacitto et Philippe Jourdan auteurs d’une tri­bune parue dans Le Monde, elle souffre de ses frac­tures internes et n’arrive plus à se reconstituer.

Ainsi, Zemmour appa­raît-il bien plus en phase avec un élec­to­rat que l’on croyait rési­gné à gober tous les cinq ans une indi­geste couleuvre.

Voter Zemmour revient donc à voter pour une ver­sion « high level » de Marine Le Pen. La bonne conscience en plus. Aujourd’hui, Zemmour séduit beau­coup de monde, à gauche comme à droite. En l’écoutant, l’électorat se sent décom­plexé et éru­dit. Cela peut-il durer ? Si l’on se réfère à nou­veau au mar­ché pré­dic­tif Hypermind, Michel Barnier, qui devance lar­ge­ment Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, serait cré­di­té de 11 % de chances d’accéder au second tour… sur les talons de Marine Le Pen et du chro­ni­queur de C‑News. Si les attaques inces­santes et tou­jours plus vio­lentes contre Zemmour por­taient leurs fruits, les élec­teurs de la droite molle pour­raient trou­ver plus poli­ti­que­ment cor­rect de se détour­ner du tru­blion pour rejoindre l’ex-commissaire euro­péen sans consis­tance qui embrasse main­te­nant les thèses de l’adversaire en pro­po­sant un mora­toire pour geler l’immigration dans notre pays. Tout est possible.

Alors, Zemmour pos­sible onzième pré­sident de la Ve République ? Rien n’est moins sûr à six mois du scrutin.

Charles ANDRÉ
« L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réflé­chir. »


(1) [NDLR] Le site HyperMind pré­cise : « Hypermind conso­lide les pré­vi­sions de tous les pro­nos­ti­queurs en pro­ba­bi­li­tés fiables via dif­fé­rentes méthodes issues des der­nières recherches en intel­li­gence col­lec­tive. La méthode des mar­chés pré­dic­tifs per­met de coter des pré­vi­sions en les sou­met­tant à l’offre et à la demande d’un mar­ché. La méthode Prescience sol­li­cite les pro­nos­tics de cha­cun pour les agré­ger de façon algo­rith­mique.« 
Mais tout comme pour les son­dages clas­siques qui s’af­fichent métho­do­lo­giques, il n’est pas inter­dit de s’in­ter­ro­ger sur les mani­pu­la­tions que cette nou­velle méthode sous-tend.

(2) En réfé­rence au quar­tier Saint-Germain-des-Prés, à Paris

(3) Thermidorien : Les idées poli­tiques et sociales des gou­ver­nants ther­mi­do­riens reflètent celles de la bour­geoi­sie nou­velle, des acqué­reurs de biens natio­naux et des spé­cu­la­teurs sur les four­ni­tures de guerre ou les assi­gnats, que les mesures en faveur des pauvres et la ten­ta­tive de diri­gisme éco­no­mique des Montagnards, en l’an II, avaient inquié­tés. Ils pensent, comme Boissy d’Anglas, qu”« un pays gou­ver­né par les pro­prié­taires est dans l’ordre social, celui où les non-pro­prié­taires gou­vernent est l’é­tat de nature ». Assurer la pré­pon­dé­rance de la bour­geoi­sie révo­lu­tion­naire est le prin­ci­pal sou­ci des ther­mi­do­riens ; leur œuvre annonce en cela le Consulat. [source : Encyclopædia Universalis]

5 Commentaires 

  1. Il suf­fit de s’in­té­res­ser de près aux « dona­teurs » de Zemmour pour voir que ce sont les mêmes que Macron et Sarko.
    Étonnant non !

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  2. EZ comble un vide lais­sé béant par MLP. Mais ce qui est le plus incroyable c’est le non décol­lage de NDA qui est pour­tant, et de loin, le plus sérieux et rai­son­nable, can­di­dat de la droite patriote. La poli­tique répu­bli­caine, c’est vrai­ment de la soupe à cochons.

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  3. Le par­ti de Marine Le Pen et LR ne peuvent gagner cha­cun sans l’ap­port d’Eric Zemmour. Or Zemmour a mon­tré sa pré­fé­rence pour LR. Tout se joue­ra au par­ti le plus intel­li­gent qui vou­dra gagner la Présidentielle.

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  4. Éric Zemmour et Marine le Pen sont des lièvres mis en course pour faire re-élire… Macron !

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    • Réponse à mon­sieur Miloud :
      Éric Zemmour, sous-marin de Macron ? Vraiment ?
      Ça, c’est nou­veau !
      Vous avez com­pris tout seul quelque chose que per­sonne ne voit.
      Mais si tel était le cas, toute la volaille poli­ti­carde ne serait pas en train de s’affoler.

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