Retour programmé de Falco à Toulon
Marc-François de Rancon, toulonnais et fidèle lecteur de Nice Provence Info, nous guide dans les méandres de la politique politicienne à Toulon. Nous en avons bien besoin.
Dès le 16 avril dernier, nous avons décrypté pour vous (lire La chute de la maison Falco du 17 avril 2023) la destitution du maire et président de la métropole toulonnaise. Un lecteur nous l’a écrit en commentaire, d’autres ont renchéri : difficile de comprendre ce qui se passe à Toulon si l’on est pas toulonnais. Pire que de deviner le secret d’une véritable salade niçoise si l’on n’est pas nissart de souche. Événement qui, au demeurant, fait plus de bruit dans la presse qu’à Toulon, où ce n’est pas l’objet continu des conversations de rues et de cafés.
La sidération causée par la condamnation d’Hubert Falco a fait long feu. Sa propre période d’hébétude consécutive a été vite surmontée. L’homme possède la santé et surtout du cran. De toutes façons, à 76 ans, sa vie personnelle se confond depuis longtemps avec la vie politique. Sa mort politique prononcée par la peine d’inéligibilité, aussitôt appliquée par arrêté préfectoral le destituant de ses mandats de maire de Toulon et de président de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, aurait pu l’abattre personnellement.
Ce serait mal connaître l’animal politique instinctif qu’est Hubert Falco. Et ce serait mal mesurer l’estime de lui-même qui porte ses ambitions, sans autre humilité que de façade, surjouée à l’envi. Ce serait surtout oublier que son dessein principal, au stade de carrière auquel il se trouve, c’est l’image qu’il souhaite laisser à la postérité. Sa condamnation pénale lui interdisant désormais de convoiter une réputation posthume idyllique et virginale, il recherche désormais une sortie honorable. Plus dans le style du vieux lion Édouard Soldani, ancien parrain socialiste du département ayant connu une fin de carrière déclinante et mitigée. Plutôt que dans le style de Maurice Arreckx, ancien parrain centriste du département, prédécesseur et mentor de Falco, qui, lui, a fini carrément dans le mauvais genre, compromis avec la pire mafia du coin. Lequel Arreckx d’ailleurs, d’une certaine manière et certainement sans le prévoir et encore moins le vouloir, a favorisé par ses malversations révélées et ses déboires judiciaires l’arrivée aux affaires du maire Front National Jean-Marie Le Chevallier en 1995.
Pour « laver son honneur » selon ses propres dires, il est évident pour tout observateur local quelque peu clairvoyant que, non seulement Hubert Falco prépare déjà son retour, mais encore qu’il va rester entre temps aux manettes en coulisses.
L’élection comme maire de Toulon de Josée Massi en est la plus flagrante illustration. À 72 ans, inconnue du grand public, ses premières déclarations ont été : « Ce n’était pas franchement mon souhait », « Je n’étais pas configurée pour ce poste ». Transpirant ainsi l’intérim de façon trop voyante, elle a eu beau affirmer : « Je ne serai pas une plante verte », elle n’a convaincu personne. D’autant moins que, parallèlement, elle a ajouté vouloir s’appuyer sur « l’expérience de son prédécesseur » et sur ses conseils « toujours bons »…
La seule inflexion sera peut-être « une touche sociale », un coup de barre encore plus à gauche que le récent retournement de veste de Falco quittant LR pour se rallier à Macron. Une sorte de retour vers les origines politiciennes de son patron Falco, lequel avait effectivement entamé son parcours électoral en figurant sur une liste municipale à Pignans en compagnie de nombreux socialistes et communistes.
Yannick Chenevard, le seul du clan Falco apparaissant depuis une dizaine d’années comme en capacité technique de briguer un jour le poste, attend sagement la suite des événements comme simple conseiller municipal. Il est vrai que son siège de député de Toulon lui donne le recul nécessaire. Il est probable que s’il l’avait abandonné pour devenir maire de Toulon, la circonscription risquait fort, lors d’élections partielles, de revenir au RN. C’est la seule qui lui a manqué, de peu, pour faire le grand chelem dans le Var lors des législatives 2022. Toutefois Chenevard perd l’occasion d’accoler « maire de Toulon » à son nom dans l’opinion publique. Oui, mais… un tel avantage lors des prochaines municipales ne vaudrait que s’il avait été certain de se présenter en 2026 comme maire sortant. Et ça, précisément, ce n’est pas dans les plans de Falco, qui compte bien revenir avant cette échéance, malgré sa peine en première instance de trois années d’inéligibilité.
À la métropole TPM (Toulon-Provence-Méditerranée), rebelote pour le coup de l’intérim du président sorti Hubert Falco. Certes Jean-Pierre Giran, maire d’Hyères, n’est pas un poulet de l’année. Contrairement à Josée Massi, il a du poids politique dans le département et encore plus dans l’agglomération toulonnaise. Il a exercé de nombreux mandats électifs, député et conseiller régional par exemple. Il aligne expérience et solidité, les velléités de la maire de La-Seyne-sur-Mer Nathalie Bicais ont été facilement balayées. Mais à 76 ans, comme il l’a dit lui-même, il n’est « ni un dauphin, ni un joker ».
Du côté des oppositions, on n’a pas été très efficace pour, sinon déjouer, du moins dénoncer les manigances du clan Falco. Des appels peu entendus de retour aux urnes. Pourtant, dans le double contexte national et local, entre l’impopularité de la macronie et la destitution de Falco, il y avait une fenêtre de tir électoral qui pouvait se révéler favorable, pour la première fois depuis plus de deux décennies à Toulon. Mais les oppositions ne sont guère crédibles, aucun bord n’offre de personnalité d’envergure, ne serait-ce que de notoriété locale. À gauche à Toulon, émiettement des tendances et rétrécissement de la base sociologique du fait de l’évolution de la structure démographique. Au RN à Toulon, acharnement des têtes de liste successives depuis 20 ans à faire des scores électoraux nettement inférieurs au potentiel du parti.
Dans ces conditions, Hubert Falco peut-il rêver ? En particulier de revenir pour avoir la satisfaction de partir de lui-même (il aura 79 ans en 2026) plutôt que d’avoir été viré ? Pour avoir le plaisir d’avoir son mot à dire lors des élections municipales de 2026, lui qui en autocrate averti a bien fait attention à ce que personne ne puisse se prévaloir d’être son dauphin tant qu’il était le chef ? Malgré les trois ans de prison avec sursis dont il a écopé, malgré la peine de trois ans d’inéligibilité qui vient de l’éjecter de ses deux sièges de maire et de président, ce n’est pas impossible. Avec le fidèle et efficace Robert Cavanna à la manœuvre politique, avec le réputé et pugnace Thierry Fradet à la manœuvre judiciaire, avec leurs réseaux d’influence et de relations remobilisés, tout est possible par ici. On a déjà entendu des injonctions pressantes pour que l’appel interjeté trouve audience le plus vite possible à Aix.
Pendant ce temps, l’opinion publique est soigneusement bercée par une petite musique sur le thème « Mais qu’est-ce qu’il a fait de mal au fond ? » « Quel est celui qui n’a pas commis une erreur dans ce milieu de politiciens ? », « Rendez-nous notre bon maire, il a commis des fautes beaucoup moins graves que les autres politiciens ». François Bayrou y est allé de sa minimisation, il faut dire que, ce faisant, il plaide aussi pour lui-même car il est également englué dans les affaires judiciaires. Même l’humoriste Sandrine Sarroche, dans un sketch dédié n’a fait que l’égratigner.
Il fallait oser, mais c’est fait : un comité de soutien à Hubert Falco a été créé et a déjà recueilli des milliers de soutiens. Rien n’est impossible en Provence.
La presse locale est de nouveau maîtrisée. Le ton de Var-matin, qui s’était un peu libéré de la tutelle Falco, est devenu plus attentiste, dans la série : on ne sait jamais, a priori il faut être bien avec le futur vrai successeur, donc prudence, surtout si, entre temps, Hubert revenait pour essayer de terminer en beauté, laver son honneur et partir définitivement, mais de son plein gré cette fois. En résumé, Var-Matin aurait plus à perdre qu’à gagner en sonnant l’hallali de la bête blessée.
C’est comme si nous nous trouvions en présence d’une parfaite orchestration pour un retour programmé. La seule inconnue étant la date… Mais à cet égard, rien n’interdit de penser qu’en appel, même si le sursis et l’amende pécuniaire ne devaient pas être profondément modifiés, l’inéligibilité pourrait être ramenée à deux ans, voire dix-huit mois ou encore moins. Comme l’audience ne pourra vraisemblablement pas être fixée avant un an ou un an et demi, Hubert Falco serait de la sorte éligible dès le rendu de la décision. Scénario avec beaucoup de si, mais sans doute celui qu’espère Hubert.
Dès le 16 avril, alors que le maire de Toulon déchu se trouvait en pleine tourmente, nous avions pronostiqué que la « chute de la Maison Falco » ne signifiait « pas la fin immédiate et simultanée du Système Falco, qui imprègnera un temps encore la vie politique locale et départementale ». Persiste et signe.
Marc-François de Rancon, 6 mai 2023
C’est si vrai !
Les vieux flibustiers de la politique n’ont que faire des usages et valeurs en cours chez la population locale, sauf pour le service électoral qu’elles pourraient leur rendre…
C’est tout le problème de la crédibilité de la désignation de nos élus par le processus de l’élection !
Mais, après tout, on n’a jamais le style d’élus que ceux que l’on mérite…
Et si Mr Falco, malgré quelques démangeaisons politiques transitoires, a su remettre si vite la tête hors de l’eau, c’est que les équilibres politiques locaux et nationaux lui ont servi de bouée de sauvetage !
Longue vie aux cigales…
« Prendre la population pour des cons »
Il a raison le Falco ! Comme Georges Frêche le disait lui-même : « J’ai toujours été élu par une majorité de cons ». Et c’est bien pour ça que Macron a été élu et réélu.
Écoutez braves gens une leçon magistrale 😉 :
https://www.dailymotion.com/video/x1bonux
Vous savez, ces gens là ne pensent pas comme nous. « La sortie honorable » et « laver son honneur », Falco s’en contre-fiche ! Le mensonge, la corruption, le vice, ils ont ça dans la peau jusqu’à la moelle ! Ils inversent les valeurs en permanence ! C’est plutôt l’orgueil démesuré, et le « prendre la population pour des cons » qui mène Falco.
Ces gens là donnent leur âme au diable. Le diable a dû dire à Falco de continuer ses ignominies !