1er anniversaire de la guerre en Ukraine (3 /3)
Suite et fin de l’analyse proposée dans nos deux dernières éditions.
Analyse sur le fond maintenant :
cette guerre est une guerre entre deux visions du monde.
Le monde tel que le voient les USA et le monde tel que le voient Poutine et d’autres, et que le maitre du Kremlin appelle « Occident collectif ».
Le monde est passé depuis quelques années d’un monde unipolaire, dirigé par cet Occident collectif, à l’amorce d’un monde multipolaire avec l’émergence de ces pays que l’on appelait il y encore peu de temps le « tiers monde ». Le centre de gravité de ce monde unipolaire se situait jusqu’à présent en Europe, avec l’Union Européenne, cornaquée par les USA et l’OTAN, auxquels on peut ajouter l’Australie, la Corée du Sud et le Japon, soit… 25 % de la population mondiale. C’est pour cette raison que les USA continuent à faire pression pour agrandir les territoires occupés par l’OTAN (voir les cartes dans la première partie de mon article).
Les USA sont présents militairement dans plus de 90 pays du monde, alors que la Russie ne l’est que dans moins de dix (je parle de bases militaires, non d’une présence militaire).
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Alors que le centre de gravité d’un nouveau modèle d’un monde multipolaire pourrait bien se situer en Russie justement, qui, loin d’être esseulée dans le monde (ça, c’est une vision de l’UE), collectionne au contraire les soutiens, dont la Chine ou l’Inde, qui représentent eux, 75% de la population mondiale.
En octobre 2022, environ huit mois après le début de la guerre en Ukraine, l’Université de Cambridge au Royaume-Uni a harmonisé des enquêtes dans lesquelles les habitants de 137 pays ont été interrogés sur leur opinion concernant l’Occident, la Russie et la Chine. Les conclusions de cette étude combinée sont éloquentes.
• Sur les 6,3 milliards de personnes qui vivent en dehors de l’Occident, 66 % ont une opinion positive de la Russie et 70 % de la Chine.
• 75% des personnes interrogées en Asie du Sud, 68 % des personnes interrogées en Afrique francophone et 62 % des personnes interrogées en Asie du Sud-Est déclarent avoir une opinion positive de la Russie.
• L’opinion publique sur la Russie reste positive en Arabie saoudite, en Malaisie, en Inde, au Pakistan et au Vietnam.
Les temps ont changé depuis ce que Guillaume Faye décrivait en 1998 dans son fameux livre : « L’archéofuturisme ». Il y présentait les Américains comme des adversaires au sein d’une Eurosibérie qui préserverait les racines, les traditions et l’héritage de l’Europe ancienne. Pour lui, une Europe vraiment unifiée n’aurait pas besoin de l’apport des USA. Il pensait que la Russie devrait être membre d’un bloc de pouvoir eurosibérien s’étendant de l’Atlantique au Pacifique, qui serait une entité politique et économique autosuffisante ayant une influence mondiale. La coopération entre la Russie et l’Europe pourrait préserver les valeurs citées plus haut.
Une vision différente de ce que propose aujourd’hui Alexander Douguine. Celui qu’on a considéré à tort comme l’éminence grise de Poutine défend lui, une autre thèse avec son Eurasisme. Pour lui, l’Europe et les USA sont clairement des ennemis qui mettent en danger les autres cultures. Pour lui, les sociétés américaines et européennes sont décadentes et sont autant de poisons qui incarnent le déclin de l’Occident. Il rejette tout cela en bloc, et appelle à la construction d’un autre monde, multipolaire, l’Eurasie, dont la Russie pourrait unifier le cœur. Il ne veut pas d’une Eurosibérie telle que la rêvait Guillaume Faye. Il ne veut pas de l’hégémonie de cet « Occident collectif », mais prône au contraire une diversité de plusieurs civilisations, dans laquelle la Russie serait le « négatif » de l’Occident. C’est sans doute ce combat pour cette Europe qui a coûté la vie de sa fille il y a quelques mois…
Alors, que peut-on espérer pour l’avenir ? Pour « l’après Ukraine » ?
Une troisième voie entre celle de Guillaume Faye et celle de Douguine. À savoir une Europe forte, qui se dégage de tout l’apport américain cité plus haut et qui dégrade de plus en plus nos civilisations millénaires. Une Amérique qui reste à sa place, et à qui on le fait savoir. La propagande LGBT, le wokisme, l’antiracisme, tous ces maux qui nous gangrènent aujourd’hui nous viennent de là-bas. On peut raisonnablement s’en passer.
Une coopération avec la Russie, qui partage avec nous le territoire européen, et avec qui les échanges sont nécessaires paraît indispensable. On voit depuis les fumeuses sanctions contre elle, décidées par l’UE. Qui est vraiment atteint ? L’Europe ! Celle-ci est en proie à une inflation que l’on n’avait pas vue depuis longtemps. Les réserves d’énergie et leur approvisionnement sont plus qu’instables, alors que, selon le FMI, que l’on ne peut qualifier de partial, le pays dirigé par Vladimir Poutine devrait connaître une faible croissance économique en 2023, alors qu’il était en récession en 2022. En 2024, la croissance de la Russie devrait être supérieure à celle de la zone euro. Sans commentaire.
Et n’oublions pas la Chine !
Seul gros pays encore communiste, certes un communisme économique édulcoré, mais un communisme sociétal encore bien vigoureux, qui peut encore inspirer l’Europe avec son contrat social. C’est la plus grosse opposition actuelle aux USA, et certainement la plus plausible. La preuve, on apprend aujourd’hui que les États-Unis viennent de vendre pour 619 millions de dollars de munitions à Taïwan, « l’ennemi » de la Chine. Peut-on sérieusement se demander encore qui a intérêt à créer cette atmosphère de pré-guerre mondiale ?
Patrice LEMAÎTRE
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